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Qui vole une télé, vole du plutonium (proverbe préfectoral)

26 août 2004

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=57



On nous avait traités de paranos quand nous dénoncions le caractère liberticide des lois Sarkosy « sur la sécurité intérieure » et Perben II « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ». Rappelez-vous, nos dirigeants disaient que seuls les grands criminels devaient craindre les foudres de cette loi.

On découvre aujourd’hui (grâce à l’Humanité du 10 août, repris tardivement par Ouest France) que cette loi peut être nocive pour chacun.

Bien sûr, on avait eu un avant goût de l’atteinte aux libertés avec l’obligation faite à Charles Hoareau des Comités de Chômeurs CGT de Marseille, de se soumettre à un prélèvement d’ADN qu’on nous disait réservé aux dangereux maniaques sexuels.

Cette fois-ci, l’affaire est bien de chez nous, et traduit le délire sécuritaire de la préfecture de la Manche qui vient de prendre une option sérieuse pour le titre de « l’administration la plus liberticide. »

Elle a refusé de délivrer l’agrément à des vigiles de la SPGO (chargée de la sécurité de la centrale de Flamanville) après consultation du STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées).

Les lois citées plus haut ont permis la mise sur pied de ce fichier où sont inscrites toutes les personnes qui ont affaire à la police (l’équivalent pour la gendarmerie s’appelle JUDEX) et élargit les possibilités de consultation dans le cadre d’enquêtes administratives. Ainsi la communication du casier judiciaire ne suffit plus. Restent dans ce fichier toutes les personnes mentionnées dans une procédure quelle que soit sa qualité (les témoins, les plaignants, les victimes comme les suspects) et sans prendre en compte l’issue de la procédure judiciaire ( à commencer bien sûr par la mise hors de cause par la justice).

Pour compléter ce dispositif, nos élus ont adopté une loi qui prive la Commission Nationale Informatique et Libertés de tout son pouvoir de contrôle sur les fichiers administratifs et policiers.

Dans une autre région, une personne mise en cause par le STIC était une victime. D’après ZDNet France [1]et la Fédération Informatique et Libertés (FIL) http://www.vie-privee.org/ 25% des personnes ayant demandé la vérification de leur fiche STIC y apparaissaient de manière injustifiée, avec un bon nombre d’exemples criants de fichages absurdes et disproportionnés.

Dans le cas de Flamanville, une personne était fichée comme « connu des services de gendarmerie pour vol avec violence » pour avoir récupéré son téléviseur à son ancien domicile en l’absence de son ex-femme sans qu’il y ait suite pénale.

Alors, bien sûr le cabinet du préfet de la Manche est revenu sur sa décision « il s’agit d’une erreur d’appréciation au regard de mentions peu claires inscrites dans ce fichier !!! ».

Cette affaire met en lumière la dégradation des libertés publiques dont la réforme de la CNIL est significative : désormais, police et administrations peuvent dans la plus grande opacité constituer des fichiers, à leur guise et sans contrôle de l’autorité judiciaire, sur les citoyens. Nos libéraux qui ont sans arrêt le mot de liberté à la bouche sont engagés dans une course au contrôle étatique avec les « socialistes » comme Blair (en Grande-Bretagne c’est la surveillance vidéo qui atteint des niveaux impensables : 10% des caméras en service dans le monde).

Malheureusement, le président de la CNIL n’a ni le courage, ni la clairvoyance de son homologue britannique : "Le danger existe" de voir la Grande-Bretagne devenir "une société sous surveillance", en raison du trop grand nombre d’informations sur les citoyens amassées par le gouvernement, s’est inquiété lundi 16 août Richard Thomas dans les colonnes du Times.

Mais cette affaire repose aussi la question du Nucléaire. Alors que les nucléophiles se précipitent pour demander l’EPR, il est bon de rappeler que le nucléaire est considéré comme une activité dangereuse par l’administration elle-même. Opportun de rappeler que notre condamnation du nucléaire repose aussi sur cette option sécuritaire qu’impose le nucléaire par rapport à d’autres modes de production de l’électricité : « société nucléaire, société policière » se vérifie.

Enfin, cette affaire repose le problème de la sous-traitance et derrière laisse présager des dangers liés à la privatisation d’EDF prévue par Sarkosy. On « découvre » à cette occasion que des activités stratégiques en matière de sécurité ont été abandonnées au privé et ne font plus partie du service public. On sait, depuis AZF, que le privé a du mal à gaspiller ses profits dans le financement de la sécurité autre que celle des actionnaires.

Mais,après tout,l’accroissement des dangers, des risques vient renforcer un sentiment d’insécurité qui permet la dérive autoritaire de l’Etat qui s’est particulièrement renforcée depuis le 11 septembre dans tout le monde libéral.

Sous prétexte de répondre à des risques croissants, on sacrifie au nom de l’efficacité policière les droits et libertés.

On nous dit aussi défendre les victimes, mais cette affaire du STIC nous pousse à donner un conseil : si vous êtes victime, n’allez pas porter plainte si vous ne voulez pas un jour être empêché de travailler ! C’est ça la défense des victimes en Sarkosien ?

Etienne Adam


[1] Voir aricle Le fichier Stic montre à nouveau ses effets perversdu 17 Août 2004 su ZDnet France

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