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Mensonges et jusqu’au boutisme forcené
Communiqué de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

31 mai 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1079

Alors que l’Assemblée Nationale doit faire un vote solennel sur la loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, le journal " Le Parisien libéré mais pas ses préjugés" vient de sortir très opportunément un article insistant sur la violence en hopital psychiatrique en rendant compte d’un nouveau rapport de l’IGAS qui n’est pas encore disponible sur le site de l’IGAS.

Bizarre non ?

Cet acharnement mis à faire voter cette loi doit nous interroger : ce n’est pas seulement une histoire de fous mais la question même du rapport de l’Etat à ses citoyens, ou à ses sujets, qui se joue dans ce type de loi qui subordonne les libertés fondamentales à la sécurité.

Interrogez vous : ce fou, ce non-citoyen privé de ses droits et de ses choix par la loi ce pourrait être vous demain à l’occasion d’un épisode douloureux dans votre vie ou votre travail.

La demande de normalisation est telle,la notion de personne en difficulté, victime de troubles psycho-sociaux, est devenue tellement floue (le poids en termes de lobby des firmes pharmaceutique developpant la demande de médicaments contre le mal-être et celui des marchands de soupe sécuritaire tellement fort) que ce risque est hélas bien réel.

Tout cela n’est pas affaire personnelle ou privée mais bien politique.



La politique de secteur en psychiatrie sur quelques dizaines d’années a permis à un grand nombre d’équipes d’organiser notamment dans les centres médico-psychologiques (ou dans d’autres structures) , un accueil , une disponibilité , une écoute dans des lieux ouverts et hospitaliers ,dans la cité au plus prés de la population ; ces lieux sont pour le moment , souvent accessibles sans excès de formalité , sans fichage excessif, sans paiement à l’acte et donc hors parcours de soins, à tous ceux qui le souhaitent ..

Cet accès direct , sans jugement, sans procédure ou protocole pré-applicable , dans le respect de la différence , de la singularité , après quelques années de fonctionnement sur ce mode , autorisera sans doute celui qui souffre , qui parfois se sent étrange , sur la base du « bouche à oreille » avec ou sans le soutien de proches à franchir les portes de la structure ...

Ce n’est qu’un commencement , cette alliance , cette confiance , il faudra constamment la retravailler .. C’est ce travail de toute une équipe qui permettra de limiter autant que possible , la crise, l’urgence, la contrainte .

Ce travail , en quelques mois sera balayé par la mise en œuvre de cette loi qui renforce les représentations stigmatisantes et coercitives de la psychiatrie.

Pour les centaines de milliers de nouveaux usagers annuels, évitement et défiance viendront remplacer confiance et hospitalité. Les lieux d’accueil et de soin seront inexorablement marqués par les rapports de force inhérents à la mise en place de soins contraints en ambulatoire alors qu’ils ont vocation à être des espaces d’écoute, d’accueil et de prévention.

L’ «  enferment au dehors », avec « kit de vie » et traitement imposé et normalisé par des protocoles revient à l’externalisation de l’asile , ou plutôt de son organisation,avec effacement de l’individu .

Présenter la contrainte en ambulatoire comme une nouveauté voir une avancée est une escroquerie visant à manipuler à la fois les élus et la population, alors même qu’il s’agit d’une proposition de « légalisation » de pratiques décrites comme abusives et dénoncées comme telles dans un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales en mai 2005 ...

Mais plutôt que de durcir les contrôles pour imposer une meilleure application,et limiter la contrainte à l’exception, la commission se proposera d’assouplir ces mêmes mesures. !

Elle choisira de faire de l’exception la règle , pour que tout rentre dans l’ordre . Cette commission ne fera que constater sans les analyser ou en évaluer les conséquences ,des écarts entre les départements pouvant aller de 1 à 5 pour les HDT et de 1à 9 pour les HO (hospitalisation sans le consentement antérieurement appelé internement) .

Il est pourtant peu probable que ces écarts soient liés au nombre de patients, à leur état de santé ou leur situation mais plutôt à des pratiques différentes des équipes de psychiatrie et des Préfets ... La création,par exemple d’un observatoire national de la contrainte n’a pas été envisagée ...

Le risque zéro n’existe pas , et surtout « les violences »sont médiatisées de manières très inégales essentiellement en fonction du marché qu’elles représentent , et de l’instrumentalisation permise par un pouvoir qui s’en nourrit .

L’obstination politicienne , la fascination pour l’omniscience supposée du leader , le mensonge et la manipulation confirmée s’il le fallait par le réajustement récent de l’une des associations d’usagers présentée comme favorable à la loi qui est proposée au vote lundi à l’assemblée ,vont donc provoquer une régression sans précédent dans l’accès et l’organisation des soins en psychiatrie .

L’urgence résidait pourtant dans le renforcement de la capacité à accueillir, de soutenir la politique de secteur là ou elle est en place et de la rétablir là ou elle n’est plus ou pas encore .

La différence avec les scandales ou catastrophes sanitaires précédentes , c’est que les coupables en se manifestant par leur vote dans les deux assemblées engageront ainsi leur responsabilité.

Pierre Paresys vice président de l’Union syndicale de la Psychiatrie le 30 mai 2011

Etienne Adam
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