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35h, plus le mensonge est gros !

 

Les modifications en cours à l’assemblée nationale mettent pratiquement fin à la réglementation du temps de travail.

Jusqu’à une période récente (les années 80) un consensus se faisait sur l’idée que la réglementation du temps de travail était un sujet d’ordre public : il s’est agit d’abord de protéger les salarié(e)s contre des durées de travail qui remettaient en cause la santé. Il s’est agit ensuite d’organiser la vie sociale en permettant de dégager des temps garantis hors du travail contraint ( pour permettre les relations familiales et sociales, l’accès à la culture..), et d’éviter que chaque entreprise cherche à imposer des rythmes de vie à toutes et à tous calqués sur ses seuls besoins immédiats d’netreprise : par exemple l’étalement des horaires de travail entraîne l’obligation d’élargir les horaires des transports publics, des services pour les enfants etc..

Pour une très grande majorité,y compris de de politiques de droite, il ne fallait pas abandonner les règles du temps de travail à l’initiative privée et imposer des contraintes aux patrons pour défendre les intérêts du plus grand nombre

Aujourd’hui Chirac, Raffarin et même Seillière se posent en défenseurs des salariés.

L’argument est asséné à longueur de temps dans les médias : "il faut permettre aux salariés qui le veulent de travailler plus pour gagner plus" . C’est la liberté qui gagne face à un uniformité digne des pays de l’Est ( caricature qui permet de masquer le recul des droits collectifs assimilés à une limitation des droits et libertés individuelles).

Il est vrai que les lois Aubry ont conduit à un blocage des salaires dont l’effet s’est perpétué au delà des limites dans les accords : le blocage devait durer entre 3 et 5 ans selon les cas, il se prolonge ou entraîne de fait une moindre augmentation par la suite.

Ceux qui sont le plus frappés par cette baisse du pouvoir d’achats ce sont les jeunes salariés qui sont en règle générale dans les échelons les plus bas de la hiérarchie salariale (les jeunes sont les plus pauvres des salariés ).

Il existe aussi, dans certains accords, des dispositions véritablement ségrégatives vis à vis des jeunes : dans le secteur social la majoration familiale de traitement a été conservée pour ceux qui l’avait mais reste supprimée pour les autres.

Bref il y aurait bien besoin d’une politique salariale qui revalorise le pouvoir d’achat : les dispositions prévues du « gagner plus » sont un marché de dupes puisque les heures supplémentaires ne sont majorées que de 10% dans les petites boites qui les utilisent le plus, la généralisation des comptes épargne temps permet à peu de frais une pluriannualisation du temps de travail ( les salariés qui seront payés après plusieurs années perdront du pouvoir d’achat).

Il y a fort à parier que les précaires et les temps partiels seront largement exclus du dispositif( les heures complémentaires des temps partiels ne sont pas majorées).

Enfin le contrôle du temps de travail sera de plus en plus difficile puisqu’on aura des horaires quasiment individualisés : la pratique de heures supplémentaires gratuites déjà fréquente dans les petites boites ne pourra que se développer à l’abri de la déréglementation, même chose pour les heures sup dissimulées( payées au noir, sous forme de primes etc...).

La liberté, pour qui ?

Là encore le mensonge domine dans les médias, il est vrai que ces gens là sont loin des réalités du terrain.

S’il est vrai qu’un certain nombre de salariés pour des raisons de revenu sont demandeurs, il voudraient aussi choisir et personne ne leur dit qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre...

Depuis toujours ce sont les patrons qui décident des heures sup, les patrons ou leurs représentants aux différents niveaux de la hiérarchie : c’était l’occasion de récompenser les bons et de punir les mauvais.

Il n’y aucune raison pour que ça change au contraire : le but affirmé de la loi est de permettre aux entreprises françaises de s’affranchir de contraintes pour garantir leur compétitivité, et, c’est bien connu seuls les patrons savent ce qui est bon pour l’entreprise (c’est même inscrit dans la loi et la jurisprudence).

L’organisation du travail n’est pas décidée par les salariés, les contraintes de production ne sont pas « discutables » elles sont fixées par le patron sous le couvert du marché. Tout le monde connaît l’argument « c’est le client qui décide » qui permet d’imposer intensification du travail et flexibilité.

Sur ce dernier point, les socialistes peuvent verser des larmes de crocodile, ce sont eux qui ont dès 1982 introduit cette notion d’adaptation du temps de travail aux besoins des entreprises grâce à la notion d’accord dérogatoire qui permet aux patrons de ne pas respecter la loi s’ils se mettent d’accord avec un quelconque syndicat même très minoritaire.

Bien sûr les gouvernement socialistes ont cherché à encadrer ces dérogations mais la dynamique était lancée. Les lois Aubry ont repris très largement cette notion et permis une flexibilité sans précédent : on voit d’ailleurs aujourd’hui nombre d’entreprises affirmer que les accords Aubry leur suffisent et que la nouvelle loi les inquiète.

Les patrons ont un cadre légal et surtout idéologique (la mondialisation) qui leur permet d’imposer leur loi sur les horaires. La liberté des salariés c’est surtout de pouvoir dire « merci patron ».

Le dernier argument des partisans de la suppression des 35h c’est la négociation collective : pour applique la loi disent ils il faut des accords avec les syndicats.

Ce n’est pas fait pour nous rassurer : hormis le comportement des syndicalistes le stylo en avant, les confédérations du « prêt à signer », quelle est aujourd’hui la capacité des syndicats du privé de résister dans l’entreprise ?

Pour un refus à Chausson, combien de Bosch ou de petites boites où les syndicalistes sont soumis à des chantages, des menaces... Rappelons nous aussi que des grands groupes ont la capacité financière, en termes de lobby près des pouvoirs publics et avec les médias à leur botte ( pub oblige !) d’obliger les syndicats à capituler : l’affaire Perrier nous le montre.

Le MEDEF sait bien que le terrain de l’entreprise est le meilleur pour lui puisqu’il impose, sous couvert d’être proche du terrain, la négociation quasi exclusive dans l’entreprise.

Les chômeurs et les précaires victimes de la loi

Déjà aujourd’hui les places sont chères pour retrouver un emploi : sur la Basse-Normandie il y a 1 offre d’emploi pour 180 chômeurs les 179 autres restent au chômage.

La multiplication souhaitée des heures sups va encore réduire l’embauche puisqu’il sera plus facile d’avoir recours à la seule flexibilité interne en demandant aux salariés employés de travailler plus.

Quant aux précaires, c’est la même chose, c’est plus précisément moins de volume de travail laissé aux précaires et donc plus de précarité (contrats plus courts, moins fréquents.

La machine capitaliste à fabriquer des pauvres s’emballe.

Il ne restera à tous ceux-là -et plus précisément à toutes celles-là puisque les femmes sont les principales victimes du sous-emploi- que les petites boulots, les contrats de non-avenir et autres RMA pour survivre : la loi Borllo est là précisément pour répondre à cette augmentation du chômage et de la précarité en instituant et en instrumentalisant une coupure au sein du salariat

Quant aux fortes têtes qui ne voudront pas se plier à cette nouvelle raison économique qui les condamne à un sous-statut, il ya des lois toutes prêts pour lutter contre cette délinquance : loi de sécurité intérieure, lois Sarkosy et Perben... Ainsi les libertés publiques seront atteintes mais les "cochons de pauvres" seront bien gardés.

La renégociation UNEDIC de cette année viendra parachever le dispositif. En maintenant un faible niveau d’indemnisation, en excluant de plus en plus d’anciens salariés ( par la mécanique de la radiation administrative liée au PARE) l’UNEDIC joue un rôle central dans la maîtrise du marché du travail par les patrons. Maîtrise qui leur permet de maintenir un niveau de bas salaires : la boucle est bouclée, l’indemnisation du chômage est un outil essentiel de blocage des salaires et d’emploi de temps partiels.

Le « travailler plus » que nous vantent les UMP s’appliquera t’il aux temps partiels ? Il est permis d’en douter quand on sait que le temps partiel imposé est une source de flexibilité qu’il n’est pas question de tarir en donnant aux temps partiels un temps complet.

La contre réforme du temps de travail va bien au delà d’une revanche politicienne, c’est une attaque contre un dispositif de protection des salariés qui faisait le coeur même du code du travail.

Et une fois celui-ci mis en cause pourquoi s’arrêter là : se profilent la remise en cause du SMIC rendu responsable par les libéraux de la rigidité qui brime l’emploi.

Le MEDEF revendique déjà la fin de la sécurité sociale. En demandant que les salaires en dessous de 1.7 SMIC ne soient plus soumis aux cotisations patronales le MEDEF demande en fait que pour près de la moitié des salariés du privé les patrons ne participent plus au financement de la Sécu. Ce n’est plus d’un trou de la Sécu dont il faudra parler... c’est son existence même qui sera mise en cause.

Oui vraiment il faut descendre dans la rue, le plus nombreux possible contre ces projets.

4 février 2005


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