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Les larmes amères de Katia...

 

Je profite que c’est le premier Mai, jour de fête, pour parler des larmes amères de Katia. Katia, jeune femme, danseuse et intermittente du spectacle...Par conséquences, en but aux tracas et turpitudes dont le pôle emploi fait son ordinaire dans le traitement des chômeurs.

Nous pouvons le dire d’autant plus facilement que le personnel du pôle emploi alerte de toutes les manières -grève comprise- l’opinion publique, sur les insuffisances criantes des moyens dont il dispose !

Katia donc, a été victime d’une mauvaise gestion avérée de son dossier...On ne compte plus ce genre de victime...l’adada en a régulièrement à traiter et le téléphone (perso) de l’ami José Escamez, en charge de cet aspect des choses, sonne plus souvent qu’à son tour !

Katia, faut-il le préciser, est une jeune maman (deux petits, je crois) et un compagnon -ce qui ne gâte rien- lui aussi intermittent du spectacle ! Comme ça : ils s’assurent d’une certaine continuité dans les emmerdes !

Katia donc a vu ses indemnités de chômage s’égarer dans les méandres de l’incompréhension administrativo-assédicienne.

À force d’explications et de calcul recalculé et autres dates et horaires recoupés, vérifiés plutôt dix fois qu’une ; Katia a recouvré ses droits et son dû...À quelques mois prêts. Et c’est là où le bât blesse ...Car pendant qu’on chicane et tergiverse, il coule de l’eau sous les ponts, le temps passe ...Et le « ah oui on s’est trompé » salvateur n’empêche que pendant un, deux voir trois mois, Katia a dû payer son loyer, nourrir ses enfants et importuner son banquier avec un découvert reconduit de mois en mois

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Seulement voilà Katia en a eu marre, marre de cette situation inacceptable, marre de subir l’injustice, marre de perdre son temps et de tirer le diable par la queue...Sur le fond elle n’avait rien à se reprocher alors pourquoi tant d’emmerdes ! Katia a eu un courage exemplaire ! Le courage de porter plainte !

Porter plainte contre qui ? Contre le le pôle emploi ...Vous avez bien lu ! Moi je dis : chapeau ! Katia a fait ce que des milliers d’entre nous, ont brûlé de faire.

Et donc voilà, notre jeune et talentueuse danseuse au tribunal d’instance de Caen : elle s’y présente avec la candeur de l’innocence et du bon droit car on l’a compris Pôle Emploi a reconnu sa faute et son erreur mais se garde bien d’en tirer aucune conséquence quant au préjudice que peut en subir le chômeur ...La chômeuse en l’occurrence. La misère du chômeur ne prête pas à conséquences ! Le chômage serait la sanction « naturelle » des mauvais travailleurs ! On connaît la chanson...Le Pen nous la rabâche.

Malheureusement Katia se vit « ajournée » et déboutée de sa demande par le tribunal car elle s’y était présentée sans avocat.

Katia, sans fric et ni haute relation, n’imaginait pas, n’a pas imaginé pouvoir disposer d’une assistance judiciaire et avant qu’on (nous étions une demi-douzaine a l’accompagner, ce sombre jour d’audience) ait pu l’affranchir sur ce recours Katia a fondu en larmes ! Au bout du rouleau...Fatiguée de tant de combats inutiles...Coup de blues de notre combattante...Encore et encore relever la tête ! encore et encore se battre !

Katia, José et nous autres adadaÎstes, sommes d’accord ...Nous y allons, nous y retournons ...Au combat. Et même -en dépit de nos larmes amers- nous le fêtons ! Outre la lutte, nous fêtons le travail comme une fête !

Et qui peut le faire mieux qu’un artiste ?

Que ne suis-je écrivain pour faire ici, fête aux mots !

Qui peut mieux que l’artiste dire : c’est vrai ! l Le travail est une fête ! Est-ce parce qu’il le dit, qu’on l’en prive si souvent ? Le travail : quel travail ?

C’est bien là, la question des questions ...Comment faire que tout travail soit une fête ? Est-ce possible ? Permettez-moi une réponse, en ce jour de 1er Mai et qu’elle soit positive : Oui le travail pourrait être une fête ! Tous les travaux ? Y compris domestiques ? Y compris les travaux pénibles ?

Oui, j’insiste tous les travaux...Il y va de quelques conditions : remettre en cause la division du travail et son organisation et finalement, quel qu’il soit LE PARTAGER.

Il en va du travail comme de la culture : on partage ou pas !

Partager : voilà le gros mot ! Grossier et commun...L’hydre du partage ! Ah ...l’inépuisable bataille des 35h !

Pourtant, quand enfin un homme partage dignement les tâches domestiques avec sa compagne...n’y gagne -t-on pas un bien être commun, un mode d’existence plus serein ?

Partager les travaux pénibles s’avère plus complexe à première vue ...Pourtant que ce problème soit au cœur des négociations sur les retraites n’est-ce pas déjà une problématique de solidarité et de reconnaissance sociale ? Donc de partage ?

Vous voyez insensiblement je suis passé des larmes de Katia à celles qui demain pourraient bien couler d’autres yeux.

Car, en effet, l’artiste paie sa passion du travail « libéré » ( l’art ne peut se faire que par libre consentement, c’est donc bien -sauf exception- un travail libéré en opposition au travail contraint) par une précarité de tous les instants !

Faites un rapide calcul, par exemple, sur l’intermittence et les fameuses 507h minimum requises pour se voir indemnisé. Combien -à temps plein - pourrait-on faire de 507h dans une année Environ 3 à 4 fois ! Autant dire qu’un intermittent travaille en quart ou tiers-temps ...Au bout d’une vie, ça fait « pas derche » de trimestres accumulés pour jouir d’une retraite décente ! Et je ne parle pas de nos malheureux plasticiens et autres auteurs qui ne connaissent pas le salariat...Mais qu’on n’oublie pas.

Vous l’avez compris ...Des milliers d’artistes n’ont pas à sauver leurs retraites ...Elles sont mort-nées !

En prime ! S’agissant des Arts du Spectacle, patrons et salariés s’offrent un abattement ! 25% d’abattement possible sur les sommes dues et autant d’abattement sur la retraite à venir ! Remake de la cigale et la fourmi. Cet abattement ajoute de l’indécence à l’indécence ...La petite goutte d’eau qui fait déborder le vase !

De petite goutte d’eau en petites gouttes d’eau, on retrouve les larmes amères de Katia auxquelles donc peuvent s’ajouter les nôtres.

Pour les artistes, la bataille des retraites ne fait que commencer ; et pour l’adada ce souci ira grandissant. Préparons-nous.

Ce n’est pas le confort ou la sécurité qui nous motivent ...Plus simplement une certaine idée de la dignité...Et de la fête !

La mienne (fête et dignité confondues) -le sens de mon combat - c’est l ‘émancipation !

Comme le dit Bertold Brecht : « esclaves qui te délivrera ? » et il répond :« Des esclaves te verront et te délivreront ! » . C’est cela l’émancipation...

Refuser l’esclavage et les formes modernes sous lesquelles, il se déguise.

La lutte pour l’émancipation, c’est le sens propre de l’humanité.

C’est jour après jour, la lutte..... C’est le courage de Katia ! Refuser l’injustice, la précarité et la misère : c’est un devoir. C’est une fête.

C’est la dignité tranquille et joyeuse de ceux qui marchent dans la rue le 1er Mai.

Jean-Pierre Dupuy, Président Adada

Ps Oui , pour finir sur une note où on ne se paie pas de mot, nous aimerions créer une caisse de premier secours à l’adada ...Comme au premier temps du syndicalisme naissant.

Naissant, c’est bien ce qu’est le syndicalisme dans le monde des artistes et ce n’est pas toujours bien compris !

ça ne l’est pas de nos instances publiques qui -pour le moment- nous refusent toute aide. Notre rôle et nos « missions » ne semblent guère appréciés en haut lieu.

Du coup, on ne peut s’étonner que les services fiscaux nous refusent la reconnaissance d’être d’utilité publique !

C’est pourtant -et cela se vérifie à travers tous nos actes- notre seule et quasi exclusive ambition.

2 mai 2010


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