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Vent de folie au Sénat

 

La loi relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge  » vient de faire une première victime : le fonctionnement d’une assemblée parlementaire qui voulait légiférer et non se soumettre à l’exécutif.

Le site « public sénat » sort de sa réserve habituelle pour titrer sur « la psychiatrie au Sénat ; une histoire de fou » puis « pataquès sur la psychiatrie au sénat ».

Que s’est il passé ?

La commission des affaires sociales du Sénat avait tellement amendé le projet de loi du gouvernement voté par l’Assemblée nationale que le texte de la commission a été rejeté. Une première. Les UMP et le gouvernement ont jugé que les amendements de la commission avaient totalement dénaturé le projet de loi.

Plus encore que le rejet partiel de certaines dispositions de loi sécuritaires par le conseil constitutionnel, c’est un échec pour la logique sécuritaire de Sarkozy.

En effet ce dernier avait demandé une loi suite à 2 crimes commis par des malades mentaux fin 2008, crimes qui avaient fait l’objet d’une publicité malsaine dans la presse : dans le droit fil de la stratégie du bouc émissaire, les malades mentaux et en particulier les schizophrènes étaient jugés «  potentiellement dangereux  » [1] et devant faire l’objet de mesures particulières,extra- ordinaires, de contrôle et d’enfermement.

Nous sommes là dans la suite du traitement des délinquants sexuels et autre criminels « potentiellement dangereux  » qui font l’objet de rétention de sureté : certains individus ne sont plus des hommes et ne peuvent plus bénéficier des droits, ceci afin de protéger la société.

Le gouvernement pouvait penser que ce nouveau texte sécuritaire destiné à conforter l’idée d’un Sarkozy protecteur allait «  passer sans problème ».

C’est un sujet compliqué, qui paraît se réduire à un débat technique, à un querelle d’écoles psychiatriques...le gouvernement a reçu la soutien d’association de parents...la maladie mentale c’est toujours l’affaire des autres...

Pourtant rien ne s’est passé comme prévu et aujourd’hui la loi sera peut être votée mais la démonstration est faite que c’est une loi de circonstance, qui sera bien difficile à mettre en oeuvre : comme d’autres, elle est faite de bric et de broc ouvrant la porte à des nombreux contentieux.

Mais l’objet des lois sarkozystes n’est pas leur efficacité juridique, c’est de renforcer à chaque fois la logique et le discours sécuritaire : dormez tranquilles, braves gens, le président veille sur vous !

Pour la com du président cette loi là sera difficile à vendre. Il est visible que les droits et libertés individuelles, l’intérêt des malades et de leurs familles, et même le service public de psychiatrie sont les victimes de la folie sécuritaire.

Alors que la lutte semblait perdue, symbolique, l’action d’un groupe somme toute restreint de professionnels, d’usagers et d’associatifs et de politiques tel que celles et ceux qui se sont rassemblés dans le collectif « Mais c’est un homme »Mais c’est un homme, à réussi à se faire entendre, à ébranler le consensus autour d’un tel projet, à forcer au débat public

Mieux, en articulant interventions publiques et médiatiques et interventions auprès des élus et l’action des élus qui ont porté des amendements et autres motions, nous avons réussi à modifier les termes du débat public tel qu’il s’est déroulé aussi au parlement.

Déjà à l’assemblée, les élus de droite ne semblaient pas à l’aise avec un tel projet. Au sénat c’est un sénatrice centriste, présidente de la commission qui a porté le coup de grâce en faisant voter un amendement supprimant un point clef de la loi : les soins ambulatoires - à domicile- sous contrainte c’est à dire l’enfermement asilaire chez soi.

De nombreux parlementaires ont dénoncé les différentes atteintes aux libertés : la garde à vue psychiatrique de 72 h, les soins sans consentement, le fichage des malades mentaux, les pouvoirs exorbitants donnés aux préfets sur les hospitalisation et les soins sous contrainte, l’intervention tardive du juge dans les contrôle de la rétention psychiatrique...

De nombreux parlementaires ont dénoncé le caractère bâclé de cette loi, vite faite sans concertation suffisante qui est dominée par la logique sécuritaire au détriment des besoins de santé publique...

Mais ce qui apparu aussi dans le débat, c’est qu’une alternative existe sur la base d’un psychiatrie démocratique qui considère les malades mentaux comme des hommes, des citoyens et respecte leurs droits humains.

C’est une autre vision du monde de la société qui se dessine face à la barbarie néolibérale et à son déterminisme eugeniste.

10 mai 2011

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Notes :

[1] comme les enfants de 3 ans dans les rapports sur la prévention de la délinquance


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