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Grenelle de la mer

intervention de la fédération pour une alternative sociale et écologique en Basse Normandie

 

à Caen (24 juin 09)

N’ayant assisté qu’au rapport des travaux des ateliers réunis le matin, l’intervention que j’ai faite en tant que militant de La Fédération (pour une alternative sociale et écologique) ne pouvait aborder tous les sujets traités. Le texte ci-dessous reprend et complète mon intervention. A noter que j’ai été le seul représentant d’une organisation politique à intervenir.

Ce « Grenelle » a abordé presque tous les problèmes de relation entre terre et mer de notre région... sauf quand même un et pas le moindre : la présence massive du nucléaire dans la presqu’île du Cotentin. Cette présence ne va pas dans le sens de l’intervention de M. Cazeneuve, le député maire de Cherbourg, proposant de rendre nos côtes attractives. Elle a plutôt un effet repoussoir du fait de la pollution par les rejets dans l’air et en mer. Et puis on ne peut pas écarter comme le font les «  nucléocrates » toute idée d’accident. Avant que cela n’arrive, personne n’aurait imaginé qu’un sous-marin atomique britannique puisse entrer en collision avec un sous-marin atomique français... au fond de l’Atlantique !

On ne peut être que d’accord avec M. Legrand, président du Conseil Général de la Manche, proposant une grande prudence dans la façon d’aborder les grands projets (par exemple énergies éoliennes en mer et hydroliennes) en ne se contentant pas d’y entrer par « une seule porte » mais en acceptant d’ en voir tous les aspects qui doivent être soumis au débat. Bref, tout le contraire de ce qui s’est fait avec l’EPR de Flamanville et de ce qui est en train de se faire avec les lignes THT.

Concernant les problèmes de la pêche et de l’environnement, M. Costard président de la filière conchylicole souligne l’urgence d’un audit. Je dirais qu’il y a plus qu’urgence à agir sans attendre cet audit. Une promenade sur la côte ouest du Cotentin et plus particulièrement dans les havres vous montre tout de suite l’ampleur de la pollution (visible) des plastiques provenant aussi bien de l’aquaculture : poches à huîtres, collerettes et liens des bouchots, que de l’agriculture « industrielle » maraîchère : sacs en tous genres et plastique des serres emmenés par le vent. Ajoutons y la pollution des touristes et riverains ignorants , inconscients ou qui n’en ont rien à faire. Tout le monde ne sait pas encore que certains poissons et dauphins confondent sacs en plastiques et méduses et d’autres cotons-tiges et vers marins.

Mais il y a aussi la pollution invisible, celle des pesticides et des nitrates utilisés du nord au sud du Cotentin pour la « plus belle carotte du monde » qui continue de prospérer sur sa réputation légendaire d’avant 1950 alors que rénovant du sol, pesticides, désherbants et engrais chimiques ont remplacé la « tangue », le varech et le sarclage à la main. Anecdote : un maraîcher «  raisonnable » me racontait récemment qu’il fournit en carottes, pour la soupe du bébé, son voisin pourtant gros producteur.

Question : le littoral de la côte ouest va t’il finir par ressembler, avec ses serres en plastique et le pompage de la nappe phréatique aux paysages de la province d’Alméria en Catalogne ? On sait qu’aujourd’hui on pompe de l’eau saumâtre et que dans quelques années cette région sera devenue un désert . Cette pollution se traduit aussi par l’arrivée, en été, d’algues vertes sur nos plages ce qui risque de les rendre moins attractives.

Madame Heurguier, du Conseil Régional fait remarquer qu’un cadre de concertation, le SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux) entre conchyliculteurs et agriculteurs vient d’être mis en place. Souhaitons lui de parvenir rapidement à un accord favorable à la qualité des eaux, et des produits de la pêche et des cultures. Remarquons quand même que les uns et les autres font partie , depuis des dizaines d’années du même syndicat, la FNSEA.

Dans le rapport d’un autre atelier, M. de Bourgoin a évoqué le problème des ressources de la pêche (professionnelle et de loisir). Là encore la situation est bien connue. Certaines espèces ont quasiment disparu, comme les pectens (nos houivettes) ou sont devenues très rares comme les praires. Un pêcheur à pied de Coutainville fait remarquer qu’après n’avoir permis que la pêche « à la pissée », la fourche est à nouveau autorisée, transformant, après chaque grande marée, l’estran en un paysage lunaire. Il y a moins de 50 ans on pêchait encore le bulot à pied à Pirou, aujourd’hui il faut aller le chercher au-delà de Guernesey. Des mesures s’imposent : beaucoup d’information et de pédagogie, certes. Mais, connaissant le milieu, ne nous faisons pas d’illusions, les « tricheurs », tant professionnels qu’amateurs sont nombreux et des réglementations s’imposent : limitations dans le temps, quantités, circulation des tracteurs sur l’estran,... La question du permis de pêche est posée, sans effet s’il ne s’agit que d’une redevance alors qu’il faut donner des connaissances. Comment faire devant cette invasion de l’estran par des foules qui, par ignorance le plus souvent, perturbent gravement tout un écosystème qu’on sait aujourd’hui fragile ?

De nombreuses associations de défense de l’environnement sont engagées dans cette lutte, il est nécessaire que nos élus s’engagent eux aussi et nous leur souhaitons d’avoir du courage face aux nucléocrates, aux agro-industriels, aux prédateurs sans foi ni loi, à ceux qui réclament de nouveaux ports pour la plaisance (à Granville par exemple), à quelques irréductibles qui n’ont pas encore compris que les ressources de la mer ne sont pas inépuisables. Le travail ne manque pas, un travail créateur d’empois vraiment utiles. Alors osons regarder loin devant nous. Nos petits enfants ne doivent pas avoir à payer la note de nos erreurs et de nos intérêts immédiats !

PS1 : Ces rapports n’échappent pas à la mode, ainsi il a été question de la mise en place de « clusters ». J’ai cru comprendre qu’il s’agit peut-être de sortes de séminaires, clubs ou collectifs. De même on nous a expliqué, dans le cadre du projet de terminal charbonnier à Cherbourg que le sud de l’Angleterre pourrait être l’ « hinterland » de la Normandie. Là, j’ai tout compris, il est vrai que dire « arrière-pays » ne fait pas très moderne ! Mais j’imagine facilement que la poussière de charbon poussée par les vents, et il n’en manque pas, polluera indifféremment le land normand et l’hinterland anglo-saxon !

PS 2 : Vous avez des choses à dire sur ce sujet, des points à amender ou à contester, alors n’hésitez pas à nous écrire anpag@anpag.org.

26 juin 2009


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