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Une droite d’avant 1945

 

François Fillon :

« La réforme de l’Etat supposera que chacun d’entre nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’Etat sur son territoire. » (mercredi dernier, devant « la convention de rentrée des réformateurs de l’UMP »)

Denis KESSLER, l’un des idéologues du MEDEF, le « parti des patrons », a vendu la mèche : grâce à Sarkozy, on va en finir au plus vite avec 1945 ; et « défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ».

Merci, on n’en attendait pas tant : enfin il nous est confirmé que la droite et le Medef veulent liquider l’apport de la Résistance,

créatrice d’un modèle social solidaire qui nous est envié dans le monde entier

Ce remarquable aveu de Denis Kessler doit être connu !

Le voici en entier. Il a été publié comme éditorial du magazine Challenges le 4 octobre dernier. Qui que vous soyez, cette lecture vous sera profitable !

Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde !

Par Denis Kessler, Challenges, 4 octobre 2007 (version commentée par nous en italiques et gras )

Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il faut dire que durant cette période une grande partie du patronat, au delà de celle qui disait "plutôt Hitler que Blum"est largement discréditée par la collaboration avec l’Etat Francais et les nazis .Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie.

Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme non !ce dernier fut au contraire un outil du patronat pour réduire la gestion démocratique par les salariés de la sécurité sociale : en 1958 de la volonté du gouvernement gaulliste, l’UNEDIC fut paritaire et en 1967 les ordonnances mettent fin à la gestion de la sécu par les salariés ...

A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! à souligner ce véritable "Maréchal nous voilà !"

A l’époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les communistes. La vision de l’histoire de Kessler est sans doute marquée par son passé gauchiste et la surestimation du parti communiste : Kessler devient ainsi un apologiste du PCF qui pour Kessler représenterait seul les intérêts des salariés : la résistance dans sa complexité ne se résume pas à ce type de simplification .Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que la France ne devienne pas une démocratie populaire on est en plein délire qui fait fi des toutes les recherches historiques : s’il y a eu compromis pour que la France ne devienne pas une démocratie populaire c’est entre les USA et L’URSS que ce compromis s’est fait et non de manière interne entre les gaullistes et les communistes , et aux seconds d’obtenir des avancées - toujours qualifiées d’« historiques » - et de cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques acquises.

Ce compromis, forgé aune période très chaude et particulière de notre histoire contemporaine (où les chars russes étaient à deux étapes du Tour de France, comme aurait dit le Général lequel avait tout intérêt à agiter cette menace même s’il n’y croyait pas pour combattre la très forte influence du PCF dans la société française ), se traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite ces régimes complémentaires furent imposés par le patronat et les organisations de cadres contre le système de sécurité sociale, c’était d’ailleurs une exception qui a permis après de miner le système initial en instaurant le poids prépondérant du patronat et de ses alliés syndicaux même si ces derniers sont minoritaires , etc.

Cette « architecture » singulière a tenu tant bien que mal pendant plus d’un demi-siècle elle a fait plus que "tenir" : les luttes ouvrières ont permis de consolider ce système jusqu’à l’inversion du rapport des forces . Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de l’histoire, par le programme commun. Pourtant, elle est à l’évidence complètement dépassée, inefficace, datée il est vrai que le retour aux conceptions du XIXème siècle défendues par le MEDEF ne sont pas datées parce que tout le monde les a oubliées et qu’elles peuvent paraître modernes aux yeux de ceux qui n’ont pas de culture en histoire sociale . Elle ne permet plus à notre pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques un partage de la valeur ajoutée de plus en plus favorable aux profits au détriment du travail , sociales permettre l’insécurité sociale qui rend possible une baisse du coût du travail , internationales l’insertion dans une mondialisation ou globalisation libérale à n’importe qule coût social .

Elle se traduit par un décrochage de notre nation par rapport à pratiquement tous ses partenaires ( d’après par exemple l’OCDE officine libérale qui pourtant est amener à nuancer ce juegement de façon ponctuelle).

Le problème de notre pays est qu’il sanctifie ses institutions, qu’il leur donne une vocation éternelle, qu’il les « tabouise » en quelque sorte. Si bien que lorsqu’elles existent, quiconque essaie de les réformer apparaît comme animé d’une intention diabolique. Et nombreux sont ceux qui s’érigent en gardien des temples sacrés, qui en tirent leur légitimité et leur position économique, sociale et politique. Et ceux qui s’attaquent à ces institutions d’après guerre apparaissent sacrilèges. Tout le monde sait que les vrais privilégiés de cette société ne sont pas les patrons avec leurs millions d’euros dans les coffres de l’UIMM, les initiés des stocks-options, mais ceux qui veulent défendre un minimum de solidarité face à la loi du plus fort que veut promouvoir le libéralisme : ces derniers comme les chômeurs, les intermittents du spectacles les pauvres assistés qui se vautrent dans le luxe du RMI sont les vrais profiteurs

Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l’essoufflement asthmatique du Parti socialiste comme conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento qui s’annonce Chacun mesurera ici le sérieux de l’argumentation de notre idéologue du MEDEF : il n’y aurait pas eu avant de remises en cause à l’intitative du CNPF puis du MEDEF : la montée de la précarisation du travail, les atteintes à la sécu ne datent pas de l’élection de Sarko ! . Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d’entrepreneurs politiques et sociaux Kessker vend la mêche : le liquidateur du gaullisme, c’est Sarkozy.Le projet Sarkozyste, copie conforme de celui de Refondation Sociale du MEDEF de 1999, ce n’est pas seulement de liquider ce qu’a fait la gauche, mais tout le système social et démocratique issue de la Libération pour en revenir à une révolution nationale où chacun était "à sa place". Le régime de Pétain ne se résume pas à la collaboration avec les nazis et aux lois anti-juives, mais à un système de relations sociales qui avait remis l’ouvrier à sa place après les errements du Front Populaire et d’un demi siècle de droit social.

Désavouer les pères fondateurs n’est pas un problème qu’en psychanalyse. l’instrumentalisation de la psychanalyse est très en vogue aujourd’hui dans les milieux libéraux, Attali se sert aussi de cette caution. Mais ce mésusage est révélateur de la vision du monde de ces libéraux pour lesquels tout n’est que décision individuelle y compris devenir ou rester pauvre

Publication originale Challenges

13 octobre 2007


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