Je vous envoie ce mail un peu long, certes, mais je voudrais vous
dire deux ou trois choses, que vous ne voyez pas trop dans les JT de
canal+, France Télévision, TF1, M6, LCI... à propos de la grève en
Guadeloupe puisque je la vis de l’intérieur. J’espère sincèrement
que vous prendrez le temps de lire ces quelques lignes.
Témoignage de Sadi SAINTON, étudiant à l’Université Antilles
Guyane en Guadeloupe :
J’imagine que vous entendez comme tout le monde
les infos et que je les trouve très partielles (et partiales). Parce
que je pense qu’il peut y avoir méprise. Vous pouvez diffuser à
votre guise .
N.B : Je soutiens cette grève. Ce mail comporte donc une dose de
subjectivité, mais je ne fais ni dans la propagande, ni dans le
mensonge. Je reste objectif sur des faits dont vous n’entendez
probablement pas parler.
Let’s go !
En effet, la Guadeloupe connaît depuis bientôt 4 semaines une
grève générale contre les profits abusifs (de grâce, cessez de
parler de grève contre la vie chère car il ne s’agit pas tout à
fait de cela).
Je vais simplement, sans organisation donner quelques faits (j’écris
à mesure que ça vient et je m’excuse d’avance des fautes
d’orthographe que ma vigilance laissera passer).
Une grève contre la vie chère ?
NON. PAS VRAIMENT.
Le collectif qui mène la grève est un ensemble de 49 associations
syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations
culturelles. Elle a déposé (un mois avant le début de la grève
générale, et personne n’a jugé bon de s’en préoccuper) un cahier
de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces
chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère.
Mais alors qu’est-ce que cette grève ?
Le collectif à l’initiative de cette grève s’appelle "LKP" :
Lyannaj kont pwofitasyon (C’est du créole). Traduction "alliance
contre le vol et les profits abusifs". C’est une mobilisation sans
précédant. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une
population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà
de la bataille des chiffres, une chose est sure : c’est historique.
C’est la plus grande mobilisation de l’histoire de la Guadeloupe et
chaque sortie du LKP crée un nouveau record. Depuis une semaine, la
Martinique emboîte le pas, la Réunion depuis deux jours, et la
Guyane s’y prépare.
Qu’est-ce que la "pwofitasyon" ?
Surtout, ne pas traduire par "profit" (c’est un faux ami).
La "pwofitasyon", ici peut se traduire comme je viens de dire par
"profits abusifs". Dans le langage courant, "pwofitasyon" désigne
l’abus de pouvoir qu’un puissant exerce sur quelqu’un dont il sait
déjà qu’il est plus faible que lui, pour le rendre encore plus
subordonné.
L’exemple type, est celui des enfants dans la cour de récréation
d’une école primaire. Les "grands" de CM2 peuvent exercer dans la
cour des "pwofitasyon" sur les "petits" de CP, qui n’auront que leurs
yeux pour pleurer. (N’est-ce pas mignon, notre chère et tendre
enfance ?)
Les domaines de "pwofitasyon" sont multiples chez nous :
Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus
élevés qu’en France et donc parmi les plus élevés d’Europe et du
monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits)
des écarts de plus de 100% que l’éloignement (il faut bien payer le
transport) n’explique pas (exemple : 84% sur les pâtes alimentaires).
Selon tous les experts, après analyse de la chaîne, de la production
au caddie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût
par rapport à l’hexagone ne devrait pas dépasser 10%. Les
différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du
vol organisé.
Quelques exemples de "pwofitasyon" dénoncés par le LKP :
L’essence que payait les guadeloupeéns était l’une des plus chère
au monde. Il y a une crise internationale qui a fait exploser le cours
du pétrole, certes, mais cela n’explique absolument pas le cours des
prix en Guadeloupe (dans les DOM de manière générale). Aujourd’hui
qu’un début lumière commence à être fait sur la question, plus
personne ne le conteste.
Le LKP a présenté à l’Etat son expertise des méthodes de
fixation des prix, résultat : tout le monde est d’accord sur le
constat qui consiste à dire que les prix sont anormaux (même ceux
qui sont contre la grève générale comme forme choisie pour le
dénoncer) . Le secrétaire d’Etat aux DOM, monsieur Yves Jego ,
envisage même une action en justice de l’Etat contre la SARA
(Société Anonyme de Raffinage Antillaise) dont l’actionnaire
principal (70%) est TOTAL. Vous m’accorderez sans doute que ce ne sont
pas des nécessiteux. Et Jego (lui-même), a dit que si, après
enquête, il est démontré que la SARA a perçu des sommes indues (ce
sera probablement le cas), cette somme devra être remise aux
guadeloupéens sous la forme d’un fond pour la formation
professionnelle.
N.B : La SARA est en situation de monopole en Guadeloupe, pas de
concurrence. C’est elle qui distribue l’essence.
Quant aux prix de la grande distribution... une des pistes est de
créer "un panier de la ménagère" constitué d’environ 100 produits
sur lesquels la grande distributions n’aurait plus le droit de
dépasser les prix de l’hexagone de plus de 10%, avec la création
d’un organe bi-mensuel de contrôle des prix pour éviter de nouvelles
dérives.
N.B : Les géants de la distribution sont en situation de quasi
monopole. Il s’agit principalement du groupe Hayot (Bernard Hayot est
dans le top 120 des fortunes françaises). En plus ils détiennent
l’importation et ont le monopole de la distribution sur plusieurs
grandes marques. Pour accentuer le problème, les quelques concurrents
existants sont des groupes amis (cousins, alliancés...) puisque ce
circuit est aux mains d’une ethno-classe compacte et réduite(**).
(**) voir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maitres
de la Martinique" voici un lien ou on peut voir l’émission :
http://www.megavideo.com/?v=1Q1M01NV
Autre détail intéressant. Parmi les revendications sur le coût de
la vie, il y a la baisse des tarifs des prestations bancaires. Et que
s’est-il passé ? Dès que les banques en Guadeloupe (pourtant les
mêmes que dans l’hexagone) ont pris connaissance des revendications
les concernant, avant même que cette question ait été négociée,
les banques ont adopté une baisse de leurs tarifs !! Permettez moi de
penser que ça signifie que les tarifs étaient effectivement abusifs.
Le reste des revendications ?
Elles traversent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout.
Les 9 autres chapitres : Education, Formation professionnelle, Emploi,
Droits syndicaux et liberté syndicales, Services publics,
Aménagement du territoire et infrastructures, Culture, et enfin
"pwofitasyon" (il s’agit de réclamer des mesures pour contrôler
désormais les prix).
J’appelle ça un mouvement sociétal. Si certains persistent à
parler de vie chère...je n’y peux rien. C’est un véritable cahier de
Doléances. Il parcourt l’ensemble des domaines de la société.
Rappelons que ces revendications sont au nombre de 146 et que le LKP
a défini parmi ces 146, 19 à négocier immédiatement, puis d’autres
qui demandent des réponses plus purement politiques voire
institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen
terme.
Je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer ce cahier de
revendications.
Mais alors... Pourquoi ne parle-t-on que de ces foutu 200€ que le
LKP demande ?
Parce que cela fait partie effectivement des revendications et comme
tout le monde s’y attendait, c’est le point qui bloque les
négociations. Le LKP ne démord pas. Le patronat ne démord pas. Les
positions se radicalisent.
COMMENTAIRE PERSONNEL : Je trouve ça dommage qu’un si beau mouvement
bloque sur un point que je considère comme étant secondaire en terme
de portée sociétale sur le futur de la Guadeloupe.
N.B : Il s’agit d’une augmentation de 200€ des bas salaires
LES GUADELOUPéENS SONT ASPHYXIéS ET MEURENT DE FAIM ALORS ?
Mais pas du tout !!
C’est cette question qui m’a poussé à écrire ce mail. Un ami
métropolitain m’a appelé aujourd’hui pour me demander si on tenait
le coup. Au début j’ai commencé à répondre que malgré la durée
du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe :
"Non, je voulais dire...Arrivez-vous à remplir le réfrigérateur"
!!
La Guadeloupe est en grève générale depuis bientôt 4 semaines.
Les hyper marchés et super marchés sont fermés. En revanche les
petits commerces de proximité sont ouverts, mais les rayons des
magasins sont de plus en plus vides...
MAIS : La Guadeloupe s’organise. L’UPG (Union des Producteurs
Guadeloupéens) ainsi que les pêcheurs font parti du LKP. Les
poissons ne sont pas en grève : les pécheurs continuent à pêcher
et à vendre leur poisson. Les animaux ne sont pas en grève : les
éleveurs continuent à s’en occuper et à vendre leur viande. La
terre n’est pas en grève : les cultivateurs continuent à travailler
leurs exploitations et vendent leur denrées. Notre réfrigérateur
n’a jamais été aussi plein.
Les hyper marchés sont fermés, mais les marchés sont ouverts. Il y
a mieux : des marchés populaires sont organisés devant les piquets de
grève et un peu partout. Les producteurs y vendent leur denrées aux
prix auxquels ils ont l’habitude de vendre aux super marchés.
Conséquence : ils ne perdent pas leur récolte ni leur revenus, et le
porte feuille du consommateur apprécie puisque les marges
exorbitantes de la grande distribution ne sont plus là.
Nous mangeons à notre faim et - fait intéressant - nous n’avons
jamais autant consommé local !!
Je n’ai pas de purée mousseline, je n’ai plus de pâtes panzani...
et alors ? J’ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson,
des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte
moins cher que d’habitude.
En fait, je crois que je n’avais jamais mangé aussi équilibré de
ma vie.
_Si vous n’avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse
nationale fait de la désinformation_ ?
Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on vous ment. Disons que parmi tout ce
que les envoyés spéciaux des média nationaux voient, ils
choisissent 5%, et le choisissent d’une manière assez surprenante.
La première semaine, ils n’en parlaient pas. La deuxième semaine,
ils n’ont montré que des images de touristes dont les vacances ont
été gâchées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour
eux, mais c’est la vie). Ils ont montré des rayons de super-marchés
vides et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le
plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on -
pénaliserait de manière irrémédiable l’économie Guadeloupéenne.
Puis Le secrétaire d’état aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a
carrément déplacé son cabinet et son staff. La presse ne pouvait
plus se contenter des mini sujets bâclés. Ils ont commencé à en
parler un peu plus. Aujourd’hui, l’information que vous recevez est de
plus en plus conforme à ce qui se passe.
Les "vrais" reportages font leur apparition. FRANCE INTER a fait une
longue émission dessus, j’ai pu voir un long article sur Elie Domota,
porte parole du LKP dans je journal LE MONDE. LIBéRATION a publié un
long texte d’Ernest Pépin (écrivain Guadeloupéen)... Ca commence à
changer. Pourtant, je suis persuadé que ceux qui ont tout lu de ce
mail ont appris beaucoup de choses.
Pour les plus courageux, j’ajoute encore quelques points importants.
Je quitte la description pour rentrer dans l’analyse (mais vous pouvez
vous arrêter là).
XéNOPHOBIE ? RACISME ? LES SLOGANS ?
Non, non, et trois fois non !
Le slogan principal repris depuis le 20 janvier en coeur par les
manifestants :
"La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa
yo vlé, adan péyi an-nou"
Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe
n’est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre
pays"
Traduction plus usuelle : "La Guadeloupe nous appartient, elle ne
leur appartient pas. Nous ne les laisserons pas faire ce qu’ils
veulent dans notre pays."
La question qui inquiète certains : Mais qui est ce nous et ce
eux ?
Nous = noirs ?
Eux = blancs ? Si oui, lesquels ? Les blancs en général
(métropolitains) ou les "béké", descendants des maitres d’esclaves
et qui ont su conserver leur domination économique et d’influence
grâce aux héritages de génération en génération depuis l’époque
esclavagiste, jusqu’à présent (sans la diluer dans le reste de la
population car le béké fait souvent attention à "conserver la race"
Selon moi, il ne s’agit pas de ça. Moi qui vis ce mouvement de
l’intérieur, moi qui reprends ce refrain avec joie depuis 4 semaines,
je n’ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon
entourage sans exception sont du même avis.
MAIS ALORS QUI ?
Eux...mais bien sur, cela désigne les "profiteurs". Les responsables
de la pwofitasyon. La Guadeloupe n’est pas un simple tube digestif,
une sorte de terre de consommation, un simple marché où tout le
monde peut venir faire ce qu’il veut, comme dans une zone de non
droit. Or les "pwofitasyon" révélées par ce collectif, et que plus
personne ne conteste donne bien l’impression que c’est le cas depuis
déjà trop longtemps. Avec la complicité de l’Etat, volontairement
ou par négligence (je veux bien croire que c’est par négligence).
On en est à une situation ou il a fallu qu’un collectif de 49
associations déclenche une grève générale et déclenche les plus
grandes manifestations de l’histoire de la Guadeloupe pour que l’Etat,
enfin, joue son rôle d’arbitre et de répression des fraudes. De
nombreuses voix en Guadeloupe avaient déjà dénoncé ces faits, mais
de manière isolée et sans réel résultat. Aujourd’hui, la tendance
semble s’inverser. C’est ce "eux"- là que nous dénonçons depuis 4
semaines (27 jours)
Quant au "nous", il est prometteur de quelque chose de tout à
fait nouveau, qui, peut-être enfin, dépassera les clivages de race
(ou en tous cas tendra vers ça). La première personne à m’avoir
envoyé un sms pour me dire de venir en meeting est une
Guadeloupéenne...blanche !
Pour moi, un Guadeloupéen est quelqu’un qui lie son destin au destin
de la Guadeloupe. Il est souvent noir (question de chiffre), mais il
est aussi blanc, indien (de nombreux indiens ont débarqué en
Guadeloupe après l’abolition de l’esclavage). Il pourrait même être
vert pomme que cela ne dérangerait pas les dizaines de milliers de
manifestants qui chantent ce slogan.
Surtout, nous ne sommes pas prêts à échanger, sous prétexte de la
"race", une pwofitasyon blanche contre une pwofitasyon noire. Ce
Nous-Eux est moral, bien plus que racial.
Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème de racisme en
Guadeloupe. Il est clair que la société est pyramidale et que plus
on monte vers le sommet de la pyramide, plus les peaux sont claires.
Les races n’existent pas, c’est une vérité qu’il faut répéter sans
cesse... Mais le racisme existe et le poids de l’histoire esclavagiste
et coloniale est palpable. Nous voila avec ce mouvement face à un
formidable défi qui consiste à poser les problèmes tels qu’ils
sont, pour les régler, et les dépasser. Permettez moi d’ajouter que
je suis assez optimiste sur cette question.(*)
(*) Pour ceux qui voudraient, je peux envoyer un extrait de discours
du porte parole du LKP abordant ce sujet d’une manière que je trouve
assez fine, de manière forte, mais sans haine.
SCOLARITé EN PéRIL ?
J’étais à Paris 6 lors de la grève contre le CPE et sur les 12
semaines prévues du semestre, on a pu faire 11 semaine (moyennant
le sacrifice des vacances scolaires). Il y a fort à parier que nous
ferons la même chose. Tout le monde est prêt à voir disparaitre les
vacances de Pâques, Pentecôte et les jours fériés. D’ailleurs les
cours sont mis en ligne par les enseignants dans de nombreux
établissement. Et RFO, la télé locale (une branche de France
télévision) va bientôt commencer à diffuser des cours faits par
des enseignants sur les plateau de télévision, afin que tout le
monde puisse regarder, à chaque niveau, à chaque matière. La
petitesse de l’île le permet, nous ne nous priverons pas de ce moyen !
EVOLUTION STATUTAIRE ?
Peut-être. En tous cas la question est posée. Le débat est
ranimé. Le mouvement s’exprime sous forme de grève mais la densité
du cahier de revendications montre clairement que tous les fondements
de la société sont remis en question.
Parmi les meneurs du LKP, nombreux sont ceux qui sont "au moins"
autonomistes. Pourtant, après 4 semaines, aucun membre (sans
exception) n’a jamais prononcé les mots "évolution statutaire".
C’est un débat qui déchaîne les passions et pour le bien du
mouvement, il convient de rappeler que ce n’est pas le but du
mouvement. Ce mouvement pose des questions et met en avant ce que
veulent les Guadeloupéens.
Si les hommes politiques apportent parmi leurs réponses une question
institutionnelle, elle fera de toutes les façons objet de débats, et
de référendum.
MON AVIS SUR LA QUESTION :
Les lois françaises sont conçues pour répondre à une réalité
géopolitique précise. Celle d’une France au coeur de l’Europe,
société post-industrielle. Elle n’ont jamais convenu ni aux
colonies, ni plus tard aux DOM-TOM et COM. Si bien que pour pallier le
"handicap", nous sommes toujours passés par des lois, qui mettent en
avant de nombreuses spécificités. Aujourd’hui, le système
d’intégration montre ses limites. Ceux qui, jadis, s’en
accommodaient, aujourd’hui soutiennent massivement un mouvement
social, qui - bien que ce ne soit pas son objectif - attire
l’attention sur le fait que rien ne va bien et qu’il faut peut être
songer à changer les choses en profondeur.
N.B : Quelque soit ce qui arrive, l’indépendance n’est absolument pas
à l’ordre du jour. Ni l’Etat, ni le LKP, ni les nombreux manifestants
qui soutiennent le LKP, ni même les organisations anciennement
indépendantistes des années 60, 70 et 80 ne considèrent que la
question est à l’ordre du jour. Les organisations "anciennement
indépendantistes" continuent à énoncer le principe moral du droit
des peuples à l’autodétermination qui est un droit inaliénable
inscrit dans la charte de l’ONU ; mais s’accordent pour dire qu’il faut
aller pas à pas, sans brûler les étapes.
Les pistes avancées sont plutôt celles d’une évolution statutaire
dans le cadre de la République Français (genre article 73 et 74 de
la constitution) vers plus de pouvoir décisionnel local, plus de
pouvoir législatif et douanier, afin de répondre à la réalité
géopolitique (nous sommes européens, mais nos îles baignent dans le
bassin caraïbéen !).
Voila mon constat et mon point de vue sur cette grève générale en
Guadeloupe.
Je vous remercie d’avoir bien voulu lire un aussi gros pavé. Je
rappelle que je ne suis ni politologue, ni sociologue... vous
excuserez les approximations et la lourdeur du style. Je suis simple
étudiant guadeloupéen, solidaire du mouvement et j’expose là, ce
que je comprends de ce mouvement.
P.S : : J’ai commencé ce mail hier. Aujourd’hui, la situation a un
peu évolué.
La repression policière et militaire est désormais en
marche.
Le mouvement a une dimension internationale. Hier, c’est le
révérend Jessie Jackson en personne qui a envoyé son soutien au
peuple de Guadeloupe et au LKP. Les organisations syndicales du monde
entier (je n’exagère pas) rentrent en contact avec le LKP pour leur
demander comment ils arrivent à mobiliser 100 000 personnes, sans un
débordement (c’est le service d’ordre du LKP qui organise la
sécurité générale).
La Guadeloupe vient de connaitre ses 27 jours les plus calmes niveau
violences domestiques. Jamais il n’y a eu si peu d’agressions et de
faits divers. 0u d’accidents de voitures (pas d’essence, tout le monde
roule à 70 km/h).
Les Guadeloupéens sont vraiment fiers de ce mouvement. Mais ce
matin, la répression a commencé face a un mouvement pacifiste depuis
27 jours. Il y a eu une soixantaine d’arrestations de gens qui
étaient simplement sur les barrages pacifiques. Une des tête du LKP
a été blessée. Il a subi des injures racistes venant des forces de
l’ordre (tous ceux qui s’y connaissent un peu en histoire de la
Guadeloupe savent que c’est monnaie courante lors des repressions de
mouvement sociaux aux DOM).
Je ne fantasme pas sur le poids de l’histoire. Tout au long de la
seconde moitié du XXè siècle, tous les grands mouvements sociaux
ont été réprimés par les mitraillettes, lorsqu’à Paris, le gaz
lacrimogène suffisait largement. C’était le cas en 1910, en 1952, en
1967, en 1975, en 1985. Chaque répression a apporté son lot de
morts, même si celle de Mai 1967 accapare toutes les mémoires
puisque le nombre de morts a dépassé peut être la centaine de
personnes.
Evidemment, de l’eau a coulé sous les ponts. 1967 et 2009 sont
différents. Mais le préfet et l’Etat jouent à un jeu dangereux. Car
l’ensemble des mobilisés connaît le poids de l’histoire et la
tension est à son comble et beaucoup ont déjà averti que cette fois
ci, les guadeloupéens ne mourront pas...
Le LKP a appelé au calme. Il appelle à la mobilisation massive et
pacifiste pour faire reculer la répression. L’immense majorité des
interpellés aujourd’hui a été relâchée ce midi grâce (une fois
de plus) à la pression populaire de la foule, massée pacifiquement
devant la police et et le tribunal de Pointe-à-Pitre. La tension
redescend petit à petit.
Le préfet avait promis que les (environ) 4000 CRS débarqués en
Guadeloupe dès le début du conflits étaient juste une sécurité
qu’il souhaitait de tout coeur ne pas utiliser. Depuis que les
négociations sont bloquées, d’autres ont débarqué...
Sadi SAINTON
Et comme on dit dans les îles :
Kimbé rèd pa moli !