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Mai 68 - Mai 08, parlons en ensembleLa lutte continue ?...

introduction au débat du 13 mai

 

Que voulons nous faire ce soir ?

Cette soirée n’est pas une commémoration au sens classique du terme mais une initiative dans le cadre d’un appel international «  Mai 68 ce n’est toujours qu’un début...  » qui se propose de se réapproprier Mai 68, la réalité derrière les mythes de sortir des « exorcismes et des oraisons funèbres, des enterrements de premières classe et des cérémonies d’adieu, des célébrations compassées, des imprécations et des repentances de tous les ralliés. ».

Nous avons deux convictions qui fondent notre prise de parole aujourd’hui 40ans après :

La première : Mai a été largement victime de ses vies ultérieures pour reprendre les termes de l’historienne Kristin Ross. Entre les « portes paroles officiel de mai » et des adversaires se sont développées des interprétations qui visent toutes à neutraliser la radicalité sociale et démocratique de Mai.

Très vite des intellectuels comme Raymond Aron ont mis l’accent sur le non évènement que fut mai 68 le réduisant à une révolte juvénile quasiment apolitique. Mais tous ceux qui ont mis l’accent sur l’aspect (exclusif !) de révolution dans les mœurs où réduisent Mai à une révolte particulière contre l’archaïsme de la société française et du pouvoir de l’époque, défendent la même idée.

Pourtant malgré la dominance de ces interprétations le sondage paru aujourd’hui dans l’humanité montre que cette vision excluant tout caractère de crise politique et sociale à Mai 68 n’est pas partagée y compris par les plus jeunes générations.

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extrat Huma du 13 mai 2008

Deuxième conviction : mai 68 bouge encore. Et cette résurrection 40 ans après ne vient pas seulement du discours haineux de Sarkozy. [1]

Ce discours n’est pas une erreur, une bavure à la Le Pen pour conforter la fraction la plus dure de l’électorat de droite en lui désignant un ennemi « à liquider », il est l’expression de la stratégie sarkozyste de contre révolution libérale.

Il s’agit là d’une double offensive politique ; d’abord désigne mai et les soixante-huitards comme les responsables des malheurs actuels de la France « éternelle » si chère à notre président. Cette génération (et c’est d’ailleurs là le titre d’un livre célèbre sur 68) se serait rendue coupable d’un égoïsme générationnel en bénéficiant et en défendant des acquis non pas de 68 mais d’un système de compromis social issu de la libération.

Mai 68 a certes parachevé ce système mais ne l’a pas créé : comme le disait Kessler c’est bien là la cible de la refondation sociale du MEDEF que ce gouvernement met en œuvre avec une application et un zèle tout particulier.

Je ne perdrai qu’un seule exemple mais il est d’un actualité brûlante bien que trop méconnue. Dans la suite de 68 est votée en 1973 un loi qui modifie considérablement le contrat de travail : en introduisant l’obligation d’une clause réelle et sérieuse pour licencier un salarié, cette loi met fin à la banalisation du contrat de travail et apporte aux salariés une protection particulière. Ces jours-ci le parlement, suivant l’accord du 11 janvier, va voter une loi sur la « modernisation du marché du travail » qui va permettre par divers dispositifs de mettre fin à ces protections.

Rétablir les vérités sur cette vision d’un 68 coupable, sur ce qui se passe aujourd’hui comme liquidation d’un 68 jouisseur alors qu’il s’agit de mettre en cause les acquis de la Résistance, est bien un combat politique d’aujourd’hui.

Mais il faut aller plus loin pour comprendre pourquoi 68 fait encore peur à cette droite libérale-autoritaire. Pourquoi, 40 ans après Sarkozy a pris le risque d’en faire l’enjeu d’un débat.

Quel est le spectre de 68 qui hante les tenants de l’ordre établi ?

C’est d’abord que 68 fut porteur d’une critique radicale de la société bourgeoise qui prend à partie des éléments essentiel de l’idéologie sarkozyste : la critique du travail aliéné mutilant ce travail miettes que les luttes d’OS ont fait surgir dans ces années là est toujours une menace pour la valeur travail (famille patrie !) qui s’exprime dans le travailler plus pour gagner plus. A l’heure où le savoir, la recherche sont soumis avec la complicité des mandarins au capital, combien subversive reste la critique de l’université bourgeoise et l’aspiration à une université critique au service des travailleurs ! [2]

Mais cette critique n’est pas resté en cette période la propriété de quelques intellectuels ou militant professionnels, en faisant bouger des milliers, des millions de personnes elle est devenue force matérielle. Mai 68 fut aussi pour ceux de l’autre coté une critique en actes, l’inauguration de nouvelles formes de batailles politiques qui ont réussi à ébranler un pouvoir pourtant fort (rappelons qu’il avait surmonté une crise comme la guerre d’Algérie et pour résisté aux factieux).

Ce qui se manifeste en mai (et autour de mai) c’est la résistance illégale mais légitime y compris à l’ordre policier, l’aspiration à l’action démocratique et l’expérimentation de nouvelles formes d’action collectives démocratiques.

Mai 68 fut une bataille politique pour un changement politique et social dont les acquis sociaux ont largement masqué l’échec politique de la gauche, échec qui se prolonge aujourd’hui encore dans la crise de la représentation politique que nous connaissons toujours. Ce qui se passe aujourd’hui même sur les OGM en est une manifestation éclatante du passage à un type d’Etat où la démocratie s’efface derrière les professionnels de la gestion publique, passage que la gauche officielle a elle même largement intégré.

C’est précisément cet «  aspect oublié » que nous voulons commencer à faire émerger ce soir. Nous ne sommes pas représentatifs de l’ensemble des composantes de 68, mais quelques uns de ceux qui ici ont joué un rôle dans la radicalité de 68, dans les mouvements sociaux comme on dit aujourd’hui.

Il serait présomptueux de notre part de prétendre rétablir « la » vérité » de 68 mais plutôt de contribuer à une reprise de la réflexion sur des sujets en cours de 68 qui intéressent encore beaucoup de monde aujourd’hui et pas seulement les « anciens combattants ».

Les contributions que chacun ici apportera aujourd’hui doivent être prises comme le point de départ d’une réflexion plus collective sur une plus longue durée.

14 mai 2008

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Notes :

[1] Extraits du discours du 29 avril 2007 :écoutez les les héritiers de mai 68 qui cultivent la repentance, font l’apologie du communautarisme, qui dénigrent l’identité" nationale, qui attisent la haine de la famille, de l’Etat, de la nation, de la république ( ...)Je propose aux français de rompre réeellement avec les comportement, avec les idées de mai 68 (...) de renouer en politique avec la morale, avec l’autorité, avec le travail, avec la nation (soulignons cette nouvelle version du travail famille patrie dans le désordre) (...) l’idéologie de Mai 68 sera morte le jour où, dans la société,on osera rappeller à chacun ses devoirs(...) ce jour là sera enfin accomplie la grande réforme intellectuelle et morale dont la france a une nouvelle fois besoin C’est clair qu’il s’agit là d’une dimension bien au delà de la politique au sens politicien

[2] voir la note précèdente : le discours de Sarkozy cible précisément ce qui dans la critique des la société bourgeoise de 68 apparaît encore dangereux aujourd’hui pour la vision du monde véhiculée par cette droite libérale autoritaire


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