Accueil > Penser Global

Agir pour défendre la démocratie contre l’empire du commerce et de la finance. [Art 16]

 

Alors que majoritairement les français s’opposent à la mondialisation financière et commerciale, les nombreuses manifestations qui se seront déroulées en France au moment où vous lirez ces lignes ont montré qu’il est possible et nécessaire d’agir pour défendre la démocratie contre l’empire du commerce et de la finance lors des négociations de Seattle.

L’OMC n’est absolument pas une instance de régulation du commerce mondial comme Monsieur Pascal Lamy, négociateur européen à Seattle, veut le faire croire. Le dernier exemple concernant le boeuf aux hormones le montre : ce sont les règles sociales, les règles de protection du consommateur et les décisions politiques de l’Etat qui ont été niées au profit d’une vision uniquement commerciale du monde.

Il faut une régulation du commerce, c’est-à-dire soumettre le commerce (en particulier l’agriculture et le commerce des services comme l’éducation, les banques ou la santé) à des règles supérieures qui dépendent des décisions collectives :
-  droit social avec les décisions de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) ;
-  principe de précaution et défense de la biodoversité (suite des négociations de Rio) ;
-  protection du consommateur (santé publique, mais aussi protection de la vie privée contre la constitution de "profils de consommation", sur internet ou dans les grandes surfaces) ;
-  règles éthiques concernant les biotechnologies et notamment celles utilisant des cellules humaines, ou des plantes médicinales traditionnelles ;
-  projets culturels collectifs concernant la capacité des pays et des peuples à défendre leurs traditions, leur langue et leurs productions culturelles par des régimes d’aide et de subvention ;
-  règles de défense des paysanneries et d’organisation de la sécurité alimentaire mondiale, notamment en refusant les OGM et les brevets sur le vivant qui ne servent que les intérêts des grandes transnationales de l’agro-chimie et des semences et dépossèdent les paysans de la maîtrise de leur production ;
-  droit au patrimoine mondial et à la biosphère qui demande que les biens essentiels comme l’eau, les espèces végétales et animales ne puissent pas être privatisées, mais doivent rester des propriétés collectives, qui doivent être défendues et protégées, afin d’éviter le déclenchement de "guerres de l’eau" et de permettre aux paysans du monde entier de replanter leurs propres semences ;
-  droit à l’éducation pour toutes et tous, qui impose aux Etats d’organiser la scolarité et la délivrance de diplômes contre la volonté de privatiser l’éducation, en commençant par l’enseignement supérieur qui sera débattu à Seattle.

La France possède des atouts dans la négociation pour faire passer ces points de vue. Quand la France a refusé de négocier l’AMI (Accord mulltilatéral sur les Investissements) suite au mouvement de protestation, ces négociations ont capoté. Nous pouvons faire pression sur le gouvernement français et sur les négociateurs européens pour imposer la défense des intérêts collectifs contre l’emprise d’un commerce sans régulation que défend l’OMC.

Avant de négocier la poursuite de l’OMC, il faudrait tirer un véritable bilan, public et contradictoire, incluant les forces de la société civile. En cinq ans, la majeure partie des décisions de l’OMC se sont faites contre les Etats, favorisant le commerce des transnationales et niant les interventions de protection de la santé publique, l’application du principe de précaution et les règles de soutien qui favorisent les équilibres sociaux et culturels (aides à l’agriculture, au secteur de la Culture, à l’éducation...).

Un moratoire sur les négociations est nécessaire tant qu’un réel bilan public n’aura pas été tiré. On ne peut pas continuer dans une voie qui est contraire aux intérêts collectifs, aux décisions démocratiques. L’OMC agit dans l’ombre, son tribunal interne (l’ORD, Organe de Réglement des Différends) est secret et ses décisions n’ont pas besoin d’être justifiées, comme se fut le cas récemment dans l’affaire du boeuf aux hormones.

Nous ne voulons pas du secret du commerce, nous demandons la clarté de la démocratie.

1er mars 1999


Format imprimable

Format imprimable