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Il n’y a pas d’affaire Woerth !

 

Face aux révélations qui s ’accumulent dans l’affaire Bettencourt, l’UMP a construit une ligne de défense qui se révèle totalement inefficace. Et pour cause ; elle ne répond pas aux interrogations populaires, elle ne répond pas à la crise politique qui s’approfondi avec la mise à jour des liens étroits entre politiques et possédants.

L’UMP fait semblant de croire que Woerth est attaqué à tort, qu’il s’agit d’attaques visant sa personne. Et les imbéciles qui dirigent la communication de l’UMP n’hésitent pas à comparer Woerth à Salengro ou à Bérégovoy. Victime de la calomnie, des manœuvres ordurières de l’extrême droite (accusé de désertion ce qui est un crime en temps de guerre) Salengro s’était suicidé parce qu’il ne supportait pas de se voir sali. De la même façon Bérégovoy fut accusé d’avoir tiré personnellement profit de ses fonctions.

Ici et maintenant il s’agit de tout autre chose : les largesses de Béttencourt sont elles une corruption personnelle du ministre du budget aujourd’hui ministre du travail ? Nous n’en sommes plus là seulement. Le financement critiquable pour son petit parti local pour une somme qui n’est pas considérable et l’embauche de sa femme sont assumés par l’intéressé et le gouvernement même. . Mais ce n’est pas tant de faits précis qu’il s’agit que de l’ensemble d’un comportement jugé contraire à la morale, à la vertu républicaine.

Il n’y a donc pas la volonté de salir Eric Woerth comme personne mais de condamner un conflit d’intérêt qui dépasse largement celui qui a été l’acteur principal de cette sinistre comédie.

Ce qui ressort, c’est moins le reproche d’une fraude, d’un délit sanctionnable pénalement, que ce conflit d’intérêt, jugé manquement très grave à la déontologie qui devrait être celle d’une homme politique.

Ce n’est pas seulement affaire de justice mais de politique, la condamnation d’une certaine manière de gérer l’Etat et la société.

Le rejet de la droite décompléxée

En fait ce qui choque aujourd’hui, ce qui est en crise c’est la droite décomplexée qui croyait pouvoir assumer ses rapports étroits avec le monde de l’argent, sa complaisance envers ce monde là au nom des nécessités économiques.

Ce que Woerth et Sarkozy n’ont pas compris, et ne semblent toujours pas comprendre, c’est que l’Etat n’est pas une entreprise qui ne se juge qu’au nom de l’efficacité et de la rentabilité. Aujourd’hui avec la mise en évidence et la condamnation large, des liaisons dangereuses entre la première fortune de France et les hommes au pouvoir, c’est la conception même de l’Etat néolibéral qui est atteinte, remise en cause.

Ils se croyaient tout permis , jugés à la seule aune de leur "efficacité économique" qui justifiait tout. Comme le système financier, dont ils sont les serviteurs et le reflet, pensait pouvoir tout se permettre jusqu’au jour où la crise des subprimes est venue révéler la fragilités de ces opérations complexes et fortement rémunératrices.

Ces gens là n’ont cessé de parler de régulation, voire de moraliser le capitalisme, et ils n’ont rien fait parce que ceci est en contradiction avec leur manière de penser le monde.

Ils ont du mal à concevoir aujourd’hui qu’une société ce n’est pas seulement l’efficience, les techniques managériales, la (pseudo) rationalité économique...Ils n’ont pas réussi à transformer tous les citoyens en "homo économicus" mu par la seule logique de l’intérêt individuel et matériel. Ils ont oublié qu’une société fonctionne aussi avec de la symbolique ( et pas seulement de la com !).

Ils ont cru et ils croient encore que leur domination idéologique, qui gangrène même la gauche, était telle qu’il pouvaient s’affranchir de toute précautions et mener ouvertement leur politique de classe au service de ces dizaines de milliers de personnes qui font la classe bourgeoise.

Ils croient pouvoir s’émanciper du contrôle démocratique, ils pensent que seule "l’élite" dont ils sont membres et portes-flingues est à même de les juger. Le mépris du peuple ( tel qu’il s’exprime par exemple dans le discours de Woerth sur les retraites voir http://anpag.org/article.php3?id_ar...) leur a fait sous estimer les capacités de réaction de ce peuple méprisé.

Encore hier, Baroin se permet d’annoncer des mesures fiscales dont seront exonérés les bénéficiaires du bouclier fiscal en faisant porter l’effort de leur rigueur sur les salariés , les chômeurs, les pauvres.

La politique de régression sociale continue, et pas seulement sur les retraites, et elle est annoncée avec toute la morgue dont ils sont capables.

Il y a des règles pour ceux d’en haut et d’autres pour ceux d’en bas.

Quand les chômeurs en fin de droits se voient imposer toute une série d’obligations allant jusqu’au travail forcé pour avoir une allocation de misère, Joyandet et Estrosi peuvent dépenser des sommes folles dans des jets privés pour satisfaire la quiétude de leurs déplacements. La liste est longue de ces provocations et elles sont le fait de ceux qui préconisent l’austérité pour les autres, pour les pauvres.

Ce décalage là crée une situation intolérable. Les gogos qui ont cru « au travailler plus pour gagner plus » et à la « république irréprochable » sont les premiers à crier contre, disent-ils, « ce gouvernement de voleurs  ». Voilà comment le FN se refait une santé et comment Marine le Pen progresse dans les sondages.

Lynchage médiatique ou perte totale de légitimité politique ?

Le gouvernement se plaint du populisme du lynchage médiatique, des atteintes à la présomption d’innocence : mais n’ont ils pas donné l’exemple et encore dernièrement contre les jeunes des banlieues :voir http://lmsi.net/spip.php?article1059.

Comment peut il s’étonner de se voir traiter de la même manière, alors qu’ils ont eux même miné les bases de l’Etat de droit ?

Tout occupé à se protéger, il ne voit pas que, pour une majorité, les rumeurs n’ont fait que confirmer ce que pensait déjà le plus grand nombre. C’est pour cela qu’elles ont autant d’écho et que les éructations de Nadine Morano sur « Médiapart n’est pas un site d’information mais un site de ragots » n’ont aucune crédibilité. Cette ligne de défense stupide entraîne des réactions même de la part de journalistes soumis depuis longtemps, pris dans la communication sarkozyste.

Les système de contrôle médiatique qui faisait la force du Sarkozysmr autoritaire, se fissure ; les conséquences sont redoutables pour le pouvoir.

Ce gouvernement, et son chef Sarkozy, sont discrédités, leur légitimité est minée. Tôt ou tard ils devront partir. Le plus tôt sera le mieux, ils ont fait assez des dégâts comme ça !

7 juillet 2010


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