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Référendum et référendum ?

 

Les référendum se suivent et ne se ressemblent pas : hier nous avons connu un dont les résultats sont satisfaisants et porteur d’espoir (la consultation citoyenne sur la poste) et les résultats du référendum irlandais qui a vu une victoire écrasante du oui.

En Irlande

Les résultats se sont largement inversés par rapport au scrutin précèdent : seules 2 circonscriptions (la Donegal au nord ouest) ont donné la majorité au non.

Certes la disproportion des moyens entre la campagne du oui et celle du non était considérable : ce sont des dizaines de milliers d’euros que des entreprises comme Ryanair ont investi dans cette opération. L’on peut penser qu’il s’agit là d’un investissement jugé rentable. O’Leary, le patron de Ryanair, qui en d’autres temps affirmait sa détestation des bureaucrates européens déclarait au journaliste de l’Irish Independent : « sans l’Europe, il n’y aurait pas d’accords de ciel ouverts, pas de compagnies à bas coûts ».

La grande majorité des partis irlandais, y compris cette fois ci les Verts (par discipline européenne ?) participaient activement à la campagne du OUI.

Un changement de taille par rapport au scrutin précèdent : les syndicats agricoles s’étaient prononcés pour le OUI. Les syndicats ouvriers étaient divisés.

Les autorités européennes n’ont pas lésiné sur les moyens pour soutenir le oui, un seul exemple :quand des centaines de travailleurs de Dell se voient licenciés suite à une délocalisation en Pologne, M. Barroso accourt immédiatement pour distribuer quelques millions d’euros pour la formation et le reclassement.

Enfin il ne faut pas sous-estimer-et les médias irlandais pourtant partisans du oui ont insisté sur cette question- le véritable chantage à l’exclusion de l’UE mené par les « élites » européennes des chefs d’état et de gouvernement à la commission européenne.

On a pu voir des propositions pour continuer la mise en place du traité de Lisbonne sans l’Irlande en ramenant celle-ci au rang d’Etat associé comme la Turquie.

Dernier éléments : l’Irlande est en faillite et ses banques n’ont du leur salut qu’à la participation de la BCE au financement du NAMA (National Assets Management Authority), chargé de nettoyer les banques irlandaises des actifs toxiques.

Et l’on a fait croire, abusivement d’après le Wall Street Journal, que l’ Irlande devait tout à l’UE. Les autorités irlandaises ont joué sur la peur « d’un isolement économique  ». Mais au delà des particularismes locaux, la peur face à la crise a joué en faveur des options libérales.

Certes une partie de la classe ouvrière des quartiers du centre de Dublin, qui avait voté non à 66% la dernière fois, s’est probablement abstenue : pour Elaine Byrne, dans l’Irish Times « les électrices jeunes et ouvrière sont non seulement détachées de la politique européenne mais aussi de la politique irlandaise  ».

Ce qui expliquerait en partie que le rejet du gouvernement libéral irlandais et de sa politique impopulaire ne s’est pas exprimé par le non comme le craignaient les commentateurs favorables au oui.

Mais pour une autre partie de l’électorat, le OUI, loin d’être une adhésion au traité a été un réflexe de protection, comme le sont les votes en faveur de la droite en Europe [1] : ceci doit nous faire réfléchir et remettre en cause l’idée par trop simpliste qu’une aggravation des la crise pour les travailleurs conduit obligatoirement à une aggravation de la crise idéologique et politique du libéralisme.

C’est sans doute là, la leçon que nous devons tirer de ce référendum ; la résistance si elle est indispensable ne suffit pas, il faut proposer une alternative qui ne soit pas une simple protestation contre l’état du monde.

L’alternative par voie postale ?

C’est probablement l’affirmation d’une alternative - le service public contre l’entreprise privée- qui a fait le succès de l’autre référendum, la consultation populaire sur la poste.

En effet ce serait une erreur de ne voir là qu’une simple défense de l’existant : nombre de ceux qui venaient voter ne se privaient pas de critiquer le fonctionnement actuel de la poste, les délais au guichet et autres dysfonctionnements.

C’est en toute lucidité qu’ils venaient pour défendre une certaine conception du service public, et le vote avait un sens éminemment politique. D’ailleurs les sondages montrent que le clivage droit gauche est très marqué sur ce sujet même si un nombre non négligeable de sympathisants de la droite est attaché au service public postal.

Malgré le nombre malgré tout restreint des bureaux de vote [2] un pourcentage non négligeable de la population est venu voter.

Le chiffre des 2 millions de votants est atteint, ou dépassé, ce qui compte tenu des conditions -absence totale de campagne, silence des médias avant la votation- est considérable.

Nous sommes bien au delà de la seule défense de la poste. La signification de ce vote est aussi, au delà de la défense des services publics, un vote pour la démocratie.

C’est aussi un vote pour dire que le peuple souhaite être consulté [3] qu’il s’estime capable de donner son avis.

C’est là une leçon que nous devons tirer de cette consultation populaire.

C’est un désaveu de celles et ceux qui se répandent dans la presse, dans les courriers des lecteurs [4] , pour expliquer que l’on ne doit plus consulter le peuple par référendum puisqu’il est incapable de répondre aux questions posées.

Certes l’exemple irlandais montre que la manipulation de la peur est toujours possible, que les grands médias jouent bien souvent un rôle de désinformation et de confinement du débat, mais il est fondamental de maintenir cette exigence de participation citoyenne aux décisions publiques.

La défense de la démocratie, son approfondissement sont de exigences qui ne peuvent être soumise aux aléas de tel ou tel vote : c’est à nous de nous organiser pour changer les termes du débat public, en s’appuyant sur les luttes et leurs exigences.

Qui aurait dit, il y a quelques années quand les termes de public ou d’Etat étaient synonymes de délire passéiste, que le débat sur les services publics redeviendrait un thème de débat public ?

Oui nous pouvons faire changer les choses !

Les prochaines élections régionales seront une occasion à ne pas manquer.

4 octobre 2009

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Notes :

[1] j’ai moi même sous estimé ce phénomène en refusant de croire à la victoire automatique du oui et en pensant qu’il pouvait y avoir une réaction autre à la crise ; mais si je me suis trompé sur l’irlande, nous sommes beaucoup à sous estimer la stratégie de la droite libérale et la crise du libéralisme réelle, profonde, sans pour autant que cette crise se traduise par une remise en cause mécanique des majorités politiques libérales mêm sous les variantes les plus "dures"

[2] le nombre de ceux-ci est un des succès de la consultation, surtout par la multiplication des bureaux dans les communes rurales, mais on reste bien loin du nombre des bureaux ouverts pour une consultation ordinaire, nous aurions pu mieux faire c’est évident

[3] les discussions avec celles et ceux qui venaient voter me semblent significatives : nous avons eu là une enquête d’opinion grandeur nature

[4] si Lefevre, Bachelot Estrosi et compagnie cachent mal leur désarroi devant ce succès, nous assistons dans les courriers des lecteurs à une véritable rage des UMPistes et libéraux de tout poil ; on comprend mal un tel déchaînement de violences verbales, qui là encore cache mal les craintes devant une telle mobilisation et l’amertume d’être devenus minoritaires dans l’opinion publique. En tous cas ceci fait remonter à la surface de vieux réflexes antidémocratiques d’une partie de la droite : pourquoi consulter le peuple directement quand il ne sait pas ce qu’il vote ? Il ne faut laisser au peuple que le rôle d’acteur secondaire de la politique spectacle dont l’élection présidentielle et le meilleur exemple.


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