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Violation des droits

des mapuche au Chili

 

Canete -petite ville de la région du Bio-bio et de la Araucania-, 6 décembre 2010, où s’ouvre la première audience réservée à l’audition de témoins protégés dans le cadre du procès -débuté le 8 novembre dernier- de 12 militants ou proches de la CAM1 jugés pour des actes de "résistance" menés entre 2005 et 2009 dans le but de récupérer leurs terres.

extrait du rapport de Mireille Fanon-Mendès-France

Fondation Frantz Fanon Membre de l’Association internationale des Juristes démocrates Observatrice internationale mandatée par :

Collectif de soutien au Peuple Mapuche et par France Libertés- Fondation Danielle Mitterrand

Le rapport complet, ci-dessous en PDF

PDF - 2.5 Mo
Le rapport

DECLARATION PUBLIQUE

A Temuco, le 19 janvier 2011, nous, les institutions et les organisations de droits humains etsociaux qui avons pris part à la Mission d’Observation du Centre de Détention Provisoire et de Réclusion de Chol Chol dans la région de La Araucania, Chili, déclarons que :

Cette Mission d’Observation avait pour objectif de permettre à des institutions relatives aux droits humains, à l’enfance, aux peuples indigènes et à des organisations sociales de prendre pleinement connaissance de la situation de trois jeunes Mapuches qui ont été condamnés, sur la base de la Loi Anti-terroriste, à la détention provisoire dans le centre Chol Chol.

Il est important de préciser que la liberté fut accordée à J.Ñ.P, bien qu’accompagnée d’une assignation à résidence absolue, le vendredi 14 janvier 2011. Quant à C.C.M., il a obtenu sa liberté aujourd’hui, également assortie d’une assignation à résidence. Néanmoins, L.M.C. est toujours retenu dans le centre de détention provisoire, dans lequel la Mission d’Observation s’est entretenue avec lui.

La Mission d’Observation fut coordonnée par la Fondation ANIDE et le réseau d’ONG d’Enfance et de Jeunesse (RED de ONGs de Infancia y Juventud ) du Chili. Au sein de cette Mission, aux côtés des organisations coordinatrices, ont travaillé l’Institut National de Droits Humains (Instituto Nacional de Derechos Humanos), l’Observatoire Citoyen (Observatorio Ciudadano), l’ONG Libérer (Liberar), le Centre de Santé Mentale et de Droits Humains CINTRAS (Centro de Salud Mental y Derechos Humanos), la Corporation Option (Corporación Opción), l’ONG la Maison des Jeunes (La Casona de los Jóvenes), la Commission Nationale de Pastoral Indigène de la Conférence Episcopale du Chili (Comisión Nacional de Pastoral Indígena de la Conferencia Episcopal de Chile), le Comité de l’Evêque Oscar Romero (Comité Obispo Oscar Romero), le Groupe des Ex Prisonniers Politiques de La Araucanía (Agrupación de ex Presos Políticos de La Araucanía), la Commission Etique contre la Torture (Comisión Ética Contra la Tortura ) et le Centre d’Etudes Simón Bolívar (Centro de Estudios Simón Bolívar). #

Lors de l’entrevue entre la Mission et le jeune Mapuche L.M.C., ce dernier signala avoir été arrêté le 13 avril 2010 par des individus en civil non identifiés, alors qu’il se trouvait en classe au Lycée de Pailahueque, où il effectuait sa troisième année de secondaire. Il fut emmené dans un véhicule blanc sans identification, où il fut brutalement frappé et insulté.

Les institutions participant à la Mission qualifient de torture le traitement vexatoire utilisé par les entités policières et décrites par L.M.C. Celles-ci, en plus de l’avoir frappé, l’insultèrent continuellement et l’interrogèrent de manière irrégulière sur la localisation d’autres personnes mapuches soupçonnées d’être impliquées dans le dénommé "conflit mapuche".

De plus, les institutions participantes manifestent leur préoccupation au regard de la lenteur de la procédure concernant L.M.C. A cet égard, il faut signaler que la phase d’instruction s’est achevée il y a déjà quatre mois, en septembre 2010. Néanmoins, à ce jour, aucune date n’a été arrêtée en vue d’une audience pour la préparation de son procès.

L.M.C. manifesta également son impuissance envers l’injustice dont il est l’objet. L’application de la Loi Antiterroriste à son cas résulte non seulement en sa privation de liberté mais le rend également sujet à des procédures qui ne respectent pas les règles du procès équitable, l’unique preuve contre lui étant le témoignage d’un témoin protégé. Cette situation provoque chez L.M.C. des sauts d’humeur liés à des symptômes de dépression comme l’irritation, la fragilité émotionnelle et la perplexité. Néanmoins, L.M.C. exprima sa volonté de continuer à résister, malgré les conséquences psychologiques sérieuses de ce combat, telles que diagnostiquées par des spécialistes du Centre de Santé Mentale et de Droits Humains CINTRAS qui prirent part à la mission.

Par ailleurs, LMC montra également sa préoccupation pour sa famille, composée de sa mère et de ses sept frères, vivant dans la communauté de Cacique José Guiñón, commune de Ercilla. D’un côté, il est inquiet pour la situation économique de sa famille car sa mère ne travaille plus (formellement) depuis le tremblement de terre en février 2010 et que, jusqu’à son arrestation en avril 2010, L.M.C. représentait un apport économique fondamental pour sa famille. D’un autre côté, malgré la force de caractère dont il fit preuve lors de l’entretien, être éloigné des êtres qui lui sont chers et de sa communauté, l’affecte émotionnellement.

Enfin, la Mission fait écho à la préoccupation exprimée par L.M.C. pour des enfants mapuches de sa communauté et d’autres communautés de la zone qui aujourd’hui ressentent une peur justifiée d’être arrêtés, frappés, victimes d’interrogatoires irréguliers ou encore de vivre des expériences traumatisantes similaires à celles qu’il a vécu.

Ainsi, rappelant les standards imposés aux Etats par les systèmes internationaux de protection des droits de l’enfant, ainsi que la lettre remise par le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies à l’Ambassadeur permanent du Chili à Genève à propos de l’application de la Loi Antiterroriste aux enfants et aux adolescents,

Rappelant aussi la préoccupation du Rapporteur sur les Droits des Enfants de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, qui se réfère spécifiquement à la violation des articles 1.1, 2, 5, 7 et 9 de la Convention Américaine des Droits de l’Homme, qui disposent des mesures spéciales que les Etat doivent adopter afin de mettre en avant l’intérêt supérieur de l’enfant et celles qui incluent le respect absolu des garanties, directives et principes établis dans des instruments comme la Convention des Droits de l’Enfant et les Règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs dans l’exercice de l’action pénale envers les enfants et les adolescents,

Dans ce contexte, les organisations de la Mission d’Observation manifestent leur préoccupation concernant la persistance du Ministère Public à invoquer la Loi Antiterroriste dans le cas d’enfants et d’adolescents, malgré le fait que la Loi elle-même spécifie dans son article 3 qu’elle ne s’applique pas à ces derniers.

Pour cela, bien que la Mission se déclare satisfaite au regard de la modification des mesures préventives dans le cas de J.Ñ.P. et C.C.M. qui leur a permis d’obtenir la liberté assortie d’une assignation à résidence absolue, elle restera en alerte tant que persistera la détention préventive de L.M.C., ainsi que lors de son procès (qui devrait avoir lieu étant donné l’insistance du Ministère public) ; et tant que des jeunes seront poursuivis en vertu de la Loi Antiterroriste.

Ainsi, les organisations de la Mission lancent un appel, afin qu’il soit procédé au plus vite à une audience qui permette de réviser les mesures préventives appliquées à L.M.C., unique jeune mapuche accusé de délits terroristes et qui demeure en détention préventive dans le centre Chol Chol.

Nous lançons aussi un appel aux législateurs, afin qu’ils acceptent les accords nécessaires qui permettront de nouvelles modifications de la Loi Antiterroriste, afin qu’ils corrigent les déficiences qui subsistent dans cette loi, en particulier, qu’elle ne puisse, à aucun moment de la procédure, être appliquée à des enfants ou à des adolescents, c’est à dire, ni lors de l’enquête, ni lors de la détention provisoire, ni lors du procès-même.

Finalement, nous lançons un appel au Pouvoir Exécutif, afin qu’il respecte jusqu’au bout les accords qui furent établis suite à la récente grève de la faim effectuée par certains mapuches dont les trois jeunes en question.

Temuco, le 19 janvier 2011

Ana Cortez, Coordinatrice projet Pichikeche, Fondation ANIDE anacortez.salas@gmail.com / (56-9) 95743940

Carlos Muñoz, Porte-Parole Réseau d’ONG d’Enfance et de Jeunesse redinfanciachile@gmail.com / (56-9) 79086607

Plus d’informations collectif.mapuche.over-blog.com

30 janvier 2011


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