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Celle dont Mr Thiers a dit " qu’on la fusille ! " (2)

La fin de la solidarité

Suite de l’article précèdent...Celle dont Mr Thiers a dit " qu’on la fusille ! " (1)

Comme la refondation sociale, ce discours sur le nouveau contrat social a une cohérence : la suite du discours montre bien comment les différentes mesures se complètent pour déconstruire le compromis social issu de la Libération et restaurer l’ordre libéral. En ce sens, c’est aussi le retour de Mr Thiers.

Les phrases en italiques sont extraites de la version papier du discours (consultable en pièce jointe du premier article)

 

Pour que les remises en cause des droits -évoquées dans l’article précédent- fonctionnent bien, il faut en finir avec les systèmes collectifs de solidarité qui réduisent les dégâts du libéralisme. Il faut aller plus loin dans la création de l’insécurité sociale nécessaire au fonctionnement du système de développement des inégalités. Pour cela il faut rendre les gens responsables de leur situation et faire disparître les causes sociales et économiques.

La chasse aux chômeurs

Pour que les salariés soient flexibles, il faut un service public de l’emploi performant « capable de réorienter rapidement les chômeurs, de valoriser leurs compétences, capable de leur donner les compléments de formation nécessaires. C’est un service public capable de les suivre de manière intensive et plus personnalisée dans leur recherche d’emploi. ».

Qu’est que celà veut dire ?

On trouve des réponses dans la proposition de fusion ANPE-UNEDIC.

Tout cela semble très technique avec pour seul objet de rationaliser la prise en charge des chômeurs voire même « mettre le demandeur d’emploi au cœur du système, non les structures administratives ».

Sous prétexte de ne pas faire peur aux « partenaires sociaux (le MEDEF et les syndicats de salariés amis) qui gèrent l’UNEDIC, le président garanti leur laisser une place et leur fromage « La fusion, c’est aussi l’occasion de faire une plus grande place aux partenaires sociaux. »

Mais il va plus loin : « ils conserveront leurs prérogatives en ce qui concerne la détermination des règles d’indemnisation. Mais il faut aller au-delà et voir avec eux comment ils pourraient participer aux grandes orientations de la politique de l’emploi, au niveau national comme au niveau régional. ».

Pour qu’ils puissent remplir ces nouvelles fonctions et pour garantir la prééminence du MEDEF le grand gagnant du paritarisme à la mode UNEDIC (puisqu’avec un seul syndicat de salarié, aussi minoritaire soit-il, le MEDEF s’assure une majorité) Sarko fait un geste en directions des partenaires sociaux « je suis prêt à discuter aussi, et sans tabou, du financement du paritarisme en même temps que nous discuterons de la formation professionnelle. » ( c’est moi qui souligne).

Avec des telles garanties la fusion est assurée, les réticences des partenaires sociaux seront levées et Sarko donnera l’impression de faire quelque chose en direction des syndicats : après l’ouverture politique, l’ouverture sociale.

Pourtant sous couvert d’ouverture aux partenaires sociaux on donne le droit au MEDEF d’intervenir directement dans les politiques de l’emploi et dans le fonctionnement du service public de l’emploi ce qu’il réclame depuis longtemps.

Notons au passage que Sarko introduit le MEDEF d’autorité dans les politiques régionales ce qui en dît long sur sa conception de la décentralisation et du respect des compétences de collectivités territoriales.

Même s’il n’y a pas de changements (par le biais des ASSEDIC ou des pouvoirs publics le MEDEF pèse depuis longtemps sur les politiques d’emploi et sur le fonctionnement des ANPE) mettre l’ANPE sous la direction de la majorité politique patronale de l’ASSEDIC n’est pas un service à rendre aux chômeurs dans la mesure ou, plus qu’aujourd’hui encore, l’ANPE sera au service des entreprises.

Dès lors tout le discours sur les services aux chômeurs risque fort de servir d’alibi aux orientations autoritaires vers les « métiers en tension » ou autres besoins immédiats et à court terme du patronat comme sur la formation par exemple.

Mis il y a mieux encore : les partenaires sociaux et en particulier les syndicats de salariés seront des acteurs directs de la chasse aux chômeurs puisque le prince leur accordera le pouvoir de sanctionner les chômeurs coupables de ne pas travailler : « ce doit être au nouvel organisme issu de la fusion ANPE/UNEDIC de prononcer ces sanctions ».

Bien sur nous connaissons tous des « syndicalistes », par ailleurs représentatifs des 75% de salariés qui souhaitent sanctionner les chômeurs, qui sont prêts à jouer ce jeu.

Mais ils ne sont pas tous aussi sûrs et même Chérèque dénonçait récemment la stigmatisation des chômeurs.

Alors Sarko balise le terrain pour éviter toute mauvaise surprise et fixe par avance la limitation de l’indemnisation (qui était jusqu’alors du domaine de la négociation) : « une indemnisation qui est parfois de plus courte durée pour éviter la perte des repères et le délitement du lien social », le cadre des sanctions : « C’est enfin une indemnisation qui s’interrompt quand le bénéficiaire refuse les offres valables d’emploi ou de formations qui lui sont proposées. ... sanctions à appliquer lorsqu’un demandeur d’emploi refuse deux offres valables d’emploi ou une formation » et même le calendrier d’application : « Nous devrons avant la fin de l’année définir des procédures et des sanctions, à la fois plus efficaces, plus fermes et plus justes ».

On donne même à la chasse aux chômeurs la solennité d’une grande cause nationale la chasse à la fraude au même rang que la chasse au travail au noir mais bien devant celle à la fraude fiscale qui n’est même pas évoquée : « Je ne veux plus que des sommes considérables soient volées à la collectivité, alors qu’elles pourraient si utiles ailleurs. Il faut bien l’avouer, la lutte contre la fraude n’a jamais été une politique vraiment assumée dans notre pays... je propose deux mesures simples. La première, c’est que les fraudeurs aux prestations sociales perdent leur droit à prestations pendant une ou plusieurs années, selon la gravité de leur fraude. ».

Quel courtisan aura le courage de dire au président les coûts pour la collectivité des autres fraudes, y compris légales par les paradis fiscaux ? Ceci lui éviterai le ridicule de prendre les chômeurs et les RMIstes comme responsables des la dégradation des finances publiques.

L’attention particulière portée au détail même de ce dispositif de chasse aux chômeurs nous indique qu’il s’agit là d’un dispositif essentiel dans le contrat social de Sarkozy.

Tout le monde sait que depuis l’action sociale initiée par un gouvernement de gauche en 1992 les sanctions sur les chômeurs se sont multipliées : dégressivité, réduction des durées, radiations et sanctions. Tout le monde sait que ce n’a jamais fait baisser le nombre des chômeurs sauf dans les statistiques dans la mesure où sur 1000 chômeurs inscrits seulement 73 se voient proposer des emplois et que 927 restent sur le carreau (derniers chiffres de Basse Normandie).

Tout ceci n’a qu’un seul but insécuriser davantage chômeurs et salariés pour rendre possible tout le reste : les bas salaires et les salarié(e)s pauvres, la précarité et la perte des droits, l’allongement de la durée du travail et la perte des droits... et la baisse de la protection sociale.

Mourir au travail (suite de : travailler plus longtemps)

Sur ce dernier point, toute la presse s’est précipitée sur la réforme des régimes spéciaux même si ce sujet n’a donné lieu à aucune annonce nouvelle.

Mais là il s’agit que d’un aspect du discours et c’est loin d’être le plus important, comme le dit Sarkozy lui-même : « Au-delà de la réforme des régimes spéciaux, il y aura le " rendez-vous " 2008 sur les retraites... plusieurs étapes, qui devront se dérouler au second semestre 2007. .. Cela prendra donc un peu de temps, mais je souhaite aller vite et conclure cette réforme au cours du premier semestre 2008. ».

La ligne générale de cette réforme est fixée même si Sarkozy parle de concertation : « Faire preuve de responsabilité, c’est pour chacun d’entre nous, avoir plus de choix en ce qui concerne la décision de partir à la retraite, en assumant toutes les conséquences de ses choix. Il devra y avoir plus de gain à travailler plus longtemps, en particulier grâce à la libération du cumul emploi - retraite. D’un autre côté, partir plus tôt devra être davantage pénalisé ».

Ainsi nous voilà prévenus, la réforme des régimes spéciaux n’est que le prélude à une augmentation de la durée du travail.

Punir les malades de leur imprévoyance et d’être malade, en finir avec la sécu

Mais la mise en cause la plus grave concerne la sécurité sociale. Le système des franchises est justifié comme suit : « prendre en charge nos nouveaux besoins de santé (maladie d’Alzheimer, plan cancer, soins palliatifs) sans grever les comptes de l’assurance maladie ni peser sur les générations futures ».

De nombreux économistes du système de santé doutent fortement de l’efficacité économique des la responsabilisation financière des malades, ils pensent même que ces coûts n’entraine des retards dans les soins aboutissant à des pathologies plus lourdes et plus coûteuses.

Mais il y a plus grave : en faisant sur-cotiser les malades à la prise en charge des besoins de santé, Sarko rompt radicalement avec les principes qui ont présidé à la création de la sécurité sociale à la Libération.

Chacun cotisait selon ses revenus et non selon son état de santé et chacun avait droit quelques soient ses revenus et son état de santé aux mêmes prestations.

La création de ce véritable impôt sur la maladie que sont les franchises ressemble plus à une sur-cotisation comme le malus imposé par les assureurs qu’à une cotisation de solidarité à un système de protection sociale. C’est un système profondément injuste qui pénalise des gens dont personne ne peut dire qu’ils sont responsables de leur maladie.

Il prépare ainsi le terrain à un autre type de responsabilisation : « Mais cela ne suffira peut-être pas. L’assurance maladie n’a pas vocation a tout prendre en charge... j’ouvre également un grand débat sur le financement de la santé. Qu’est-ce qui doit être financé par la solidarité nationale, qu’est-ce qui doit relever de la responsabilité individuelle à travers une couverture complémentaire ? »

Les choses sont dites le plus clairement sur la dépendance mais ceci devrait être appelé à se généraliser à toute la protection sociale (y compris les retraites avec les plans d’épargne retraite et les autres formes de capitalisation) : « développer l’assurance individuelle contre le risque de dépendance. Les investisseurs privés doivent investir davantage dans ce secteur, non pas en substitution de la solidarité nationale mais en complément ».

C’est la fin de notre système de protection sociale solidaire et échappant à la logique de la marchandise du produit assurance qui se profile. Et cei bien que Sarkozy nous promet avec cynisme son maintien en déclarant par ailleurs la main sur le cœur : « Bien sûr, la solidarité doit rester le fondement de l’assurance maladie. Naturellement, le développement de la prise en charge par les régimes complémentaires ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles. Il n’est pas question d’aller vers un système de soins à deux vitesses. Je veux donc offrir une aide à l’acquisition de la couverture complémentaire beaucoup plus généreuse et étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui. »

Mais il se trahi lui-même en proposant d’accroître le financement public d’une couverture complémentaire pour les plus démunis au lieu d’améliorer le système de base pour tout le monde.

Ce qui nous attend c’est le système à la mode des USA au moment même où les limites de ce système sont mises en question aux USA même (voir le dernier film de Michael Moore) pour leur coût social humain mais aussi économique (c’est le système le plus onéreux mais comme la santé est une marchandise il contribue au développement du PIB).

19 septembre 2007


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