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La raison d’Etat l’emporte sur le droit

sur le Décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009

 

On se souvient du fichier Edvige et des dangers qui ont été largement dénoncés. Aujourd’hui prenant prétexte des évènements de Poitiers qui auraient mis en évidence « le manque d’information  » de la police voici quelques jours après la nouvelle Edvige qui ressort des cartons.

On ne peut bien sur que se féliciter de la rapidité de réaction d’un gouvernement qui nous a habitué à une démarche législative inédite : un fait dramatisé par des médias complaisant= une loi .

On ne peut s’empêcher de penser que ces violences à Poitiers tombent vraiment bien pour nous ressortir ce que beaucoup avaient refusé.

Que dit ce décret ?

Le ministère est autorisé à créer un fichier qui conserve les données des enquêtes administratives pour faciliter la réalisation des enquêtes concernant les emplois relevant de la sécurité publique.

Ces enquêtes administratives étaient définies dans la loi du 21/1/1995 relative à la sécurité.

On peut se dire qu’il n’y a rien de dramatique dans cette affaire, qu’il est utile de prendre des informations sur quelqu’un qui pourra remplir des missions relevant de la sécurité et de la défense , des paris et jeux, de l’accès au zones protégées ou de l’usage des produits dangereux.

Mais combien de postulants bagagistes des aéroports de Paris, ou de postulants vigiles et d’autres postulants rejetés aux missions de souveraineté de l’Etat vont ainsi entrer dans ce fichier et y rester puisque la conservation dans le fichier est prévue ?

Il y aura toujours de bonnes âmes policières pour dire qu’il est utile de garder ces donner si les postulants postulent à nouveau.

Il est possible d’inscrire dans ce fichier les éléments des fichiers Judex et STIC qui permettent de ficher les prévenus, les suspects même si aucune suite judiciaire n’est donnée ou même les victimes qui auront oublié de se faire radier ou dont l’affaire est encore en cours. Ces fichiers ont déjà donné lieu à des abus de la part des autorités administratives (le préfet de la manche avait interdit de travail une personne accusée par sa femme d’avoir volé un téléviseur).

L’automatisation des liens conduira obligatoirement à la multiplication de ce genre d’abus.Voir http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2...

Tous fichés !

Il y a a plus dans la loi de 1995 qui sert de base aux enquêtes administratives, il y est écrit : « Il est également procédé à cette consultation pour l’instruction des demandes d’acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux. »

Ainsi ceux qui demandent la nationalité sont assimilés à un risque pour la sécurité, sans doute menacent ils la pureté de l’identité nationale chère à la marionnette- girouette Besson !

De même, dans les mêmes discours, tout le monde sait que l’immigration menace la sécurité et doit être soumise aux mêmes contrôles destinés à traquer les étrangers dangereux .

Quant à protection de la légion d’honneur on l’aurait quand même donnée à Papon jusqu’à ce que sa participation aux crimes contre l’humanité éclate.

Mais il y a là un second élargissement : certains nous dirons qu’il faut sauvegarder les données sur ceux qui acquièrent la nationalité française puisqu’il pourront bientôt postuler à un emploi de fonctionnaires...

Et puis la liste des enquêtes administratives peut s’élargir demain à d’autres enquêtes administratives dans d’autres secteurs.

Quand on donne aux fans de Big brother des moyens supplémentaires de ficher, comment croire qu’ils ne se sentiront pas obligés de s’en servir le plus largement possible.

A t’on vu des policiers sortir massivement des données de leur fichier ? Mais je ne demande qu’à être démenti là dessus.

Pourquoi le contenu de ces fichiers est un danger pour la démocratie ?

Parce qu’on va bien au delà du casier judiciaire où sort inscrits crimes et délits qui ont fait l’objet d’un débat contradictoire devant la justice et qui obéi à des règles connues.

Dans la casier il peut y avoir des condamnations d’innocents, la justice est faillible mais les moyens de la défense ont été donnés.

Ici la plus lattitude est donnée à l’enquêteur pour recueillir toutes les données « relatives à un comportement incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées est autorisé alors même que ce comportement aurait une motivation politique, religieuse, philosophique ou syndicale. ».

Une telle rédaction, contrairement au droit pénal, laisse à l’autorité publique demandeuse un très grande part d’interprétation : c’est le règne de l’arbitraire, du fait du prince qui sont prévus par ce décret.

C’est de ce fait une rupture par rapport à la tradition républicaine et à l’Etat de droit.

Ceux qui font les enquêtes ont le droit de ne pas respecter les disposition protégeant les citoyens contre le fichage.

Certes cette loi prévoyait des exceptions à l’interdiction absolue "de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci".

Mais il s’agissait soit de la sauvegarde de la vie, soit de l’accord de la personne concernée (sous différentes variantes).

A moins de considère que postuler à un emploi, demander la nationalité française, ou le séjour en France est implicitement une renonciation aux droits les plus élémentaires !

Les autres garanties apportées par la loi de 1978 sur la protection des données individuelles sont bien légères par rapport à la raison d’Etat : qui décidera que les données des fichiers sont « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités po ur lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs » ?

Comment sera organisé le droit d’accès à ce fichier qui sera largement ignoré des fichés. Comment le citoyen lambda pourra décider de la pertinence et de l’adéquation des informations recherchées : ne va t’on pas avoir sur les critères de recherche de renseignements un « secret d’Etat » opposables au juges et aux victimes du fichage ?

Un Etat qui veut connaître -sans contrôle puisque la CNIL ( commission nationale informatique et libertés) est sans grand pouvoir sur les fichiers de police- de telles information sur ses citoyen n’est plus un Etat démocratique.

Les « serviteurs de l’Etat » dans les domaines sensibles sont transformés en sujets obéissants, formatés dès le recrutement pour être dociles.

Forts des expériences de la période nazie et du rôle criminel joué par l’obéissance aux ordres de la hiérarchie, les législateurs de la Libération, mais aussi plus largement ceux qui voulaient renforcer les droits de l’homme, ont chercher à garantir les droits des fonctionnaires vis à vis de l’Etat comme garanties des libertés publiques.

L’idéal était d’avoir des citoyens-fonctionaires capables de rsister aux ordres illégaux : ce n’a, bien sur, été que partiellement réalisé.

C’est ce qui est mis en cause dans ce fichage massif et sa gestion automatisée qui permet la sélection et l’élimination des éléments douteux.

Bien sûr ceux qui jouent sur la peur et sur l’efficacité joueront des nécessités techniques pour faire passer la pilule. Mais quand les libertés sont sacrifiées à la technique sécuritaire, ce n’est pas une avancée démocratique.

Et il se trouve encore des cons de gauche comme Chevènnement, pour approuver !

Pour ceux qui ne croient pas, consulter les textes du décret sur lesquels je m’appuie ci dessous !

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decret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 et textes de loi

19 octobre 2009


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