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Pourquoi parler de la crise ?

introduction au débat du 11décembre

 

Pourquoi faire une réunion sur la crise ?

A priori c’est un sujet très largement médiatisé, devenu quasiment une rubrique régulières des médias au même tire que les faits divers. Ici plusieurs réunions ont porté sur ce sujet, et cette réunion-ci ne pourrait être que redite.

Pourtant la surabondance d’informations ne répond pas aux interrogations de fond du type s’agit ’il d’une simple crise financière, d’outils financiers qu’il suffirait de réformer, ou est-on face à une crise beaucoup plus profonde du système capitaliste, la plus importante depuis celle de 1929 ?

Prendre la mesure de la crise n’est pas un sujet technique, académique mais une nécessité pour construire des réponses politiques et pour analyser les réponses à la crise des différents acteurs.

Nous voyons biens les effets de cette crise sur les politiques. Tout d’abord, malgré les gesticulations de Sarkozy transformées en succès politique par les médias, l’Union Européenne ne résiste pas à la crise, elle ne produit aucune réponse commune. Plus ses fondamentaux, les fameux critères de Maastricht, sont réduits à néant. Il n’y a aucun plan européen, mais une addition de politiques nationales. Ainsi face à la profondeur de la crise qui la touche la Grande Bretagne tourne le dos au discours social-libéral, qui a fait le succès de Blair et se lance dans un zeste de relance par la consommation , par la demande. Aussitôt ce « relâchement keynésien » est condamné par l’Allemagne qui appel à s’en tenir à la ligne précédente.

En France une grande partie de la classe politique sous-estime la crise. C’est bien sûr vrai pour Sarkozy qui pratique une politique de relance par l’offre en subventionnant les entreprises et les banques tous azimuts sans contrôle public.

Je reviendrai tout à l’heure sur l’exemple du logement qui montre concrètement comment la crise est considérée comme un mauvais moment à passer et la réponse consiste simplement à donner les moyens au capital de tenir pendant ce mauvais moment et d’être prêt pour la reprise.

Mais c’est aussi vrai pour les sociaux-libéraux : les positions des élus PS régionaux face à la crise des sous-traitants automobiles sont de minimiser la profondeur de la crise et de se mettre en position d’attente.

Si la crise est une crise du système lui-même il ne suffira pas de mesures de soutien momentané qui n’auront qu’un effet momentané. En fait ces positionnements traduisent les difficultés, les impasses auxquelles sont confrontés aujourd’hui les libéraux.

Le libéralisme est mort

Le néolibéralisme, cette doctrine auto proclamée moderne mais bien profondément archaïque et destructrice ne survivra pas à cette crise. L’échec est trop visible, les discrédit va aller croissant, la question d’une alternative sera de plus en plus présente.

Aujourd’hui s’ouvre devant nous un champ des possibles comme nous n’en avons pas connu depuis longtemps. Citons l’historien Immanuel Wallenstein : « nous sommes dans une période où la crise et l’impuissance des puissants laissent la place au libre arbitre de chacun... ».

Pour autant il n’y a pas de fatalité mécanique et la crise du capitalisme ne débouche pas d’emblée sur une issue de lendemains qui chantent : c’est pour avoir développé une telle conception économiciste de la fin obligatoire du capitalisme que le mouvement ouvrier n’a pas vu venir la barbarie des fascismes, la guerre comme réponse à la crise et la destruction massive de personnes et des biens.

Aujourd’hui on voit s’esquisser , mais porté par bien peu de forces sociales, l’idée d’un « néo-keynésianisme vert » appuyés sur une réorientation de la production pour répondre à la crise climatique et aux contraintes environnementales. Les articles dans le n° du 11 décembre de Courrier international « Contre la récession, vite une relance écolo » montre que se débat commence au niveau mondial même s’il a peu de traduction visible en France à l’exception peut être de la liste de Cohn-Bendit et de son manifeste qui se démarque du libéralisme.

Nous devons analyser la possibilité d’un tel projet auquel pour ma part je ne crois guère.

Attention aux monstres !

L’élection d’Obama et la symbolique de rupture qu’elle porte ne doit pas nous cacher les difficultés d’une politique qui rompe vraiment avec le passé buschiste, et le maintien en fonction du ministre de la guerre étasunien montre que les libéralisme, tout discrédité qu’il soit n’est pas mort.

Rien ne nous garanti contre des formes régressives de politique qui s’appuient sur la contre révolution engagée à l’aube des années 80.

Je l’ai écrit, les contre réformes qui mettent en cause les systèmes de garanties collectives, de protection sociale, etc.. ont été précédées ou pour le moins accompagnées d’une contre -révolution.

Celle-ci a permis le développement d’un appareil répressif de guerre civile préventive et une vison du monde anti-démocratique qui sacrifie les libertés des personnes à leur « sécurité ».

Les conclusions de la commission Varinard sur la possibilité de mettre en taule des enfants n’ont pas pour but (unique au moins !) de produire un nouvel outil juridique contre les jeunes mais de maintenir la pression idéologique sur cette délinquance qui menace [1]

Le libéralisme peut mettre du temps à mourir et générer des « monstres » comme des formes d’écodictature qu’évoquait André Gorz dans un article peu avant sa mort.

Socialisme ou Barbarie ?

Nous sommes face à la responsabilité d’élaborer une alternative qui rompe radicalement avec le système capitaliste dont chacun sait qu’il peut engendrer la barbarie.

Cette alternative c’est à la fois :

-  répondre immédiatement aux offensives de ce gouvernement de droite dure en s’appuyant et en appuyant les mouvements sociaux qui résistent et qui élaborent des réponses immédiates.

De ce point de vue nous devons mettre dans le débat public l’idée, la perspective d’un bouclier social et écologique face à la crise en opposition radicale au bouclier fiscal : les associations de chômeurs par exemple dans leur plate forme contre les négociations UNEDIC ont avancé des éléments de ce bouclier social : augmentation des allocations chômage et des minima sociaux, les collectifs pour le droit au soins avance les maintien de l’hôpital public ou la fin des franchises, les syndicats de boites menacées l’interdiction des licenciement et l’augmentation de l’indemnisation ou le paiement intégral du chômage partiel sur les profits des actionnaires...

ce bouclier social se met en place sous nos yeux. Il ne doit pas nous faire oublier l’urgence de la cris écologique et climatique qui n’attend pas et qui devrait mettre en avant les grands travaux d’infrastructures et de logement conformes aux nécessités d’économie d’énergie... ce qui signifie la revendication de politiques publiques sur ce terrain.

-  mais l’urgence sociale et écologique ne nous dispense pas d’ouvrir le débat sur le projet de société, sur le changement que nous souhaitons sur le vivre ensemble : un autre mode de production et de consommation rompant avec le règne de la marchandise, une autre répartition des richesses, une autre démocratie...

Ce débat de projet est inséparable de celui sur le moyens d’y arriver parce que je crois que c’est là un problème central de notre crédibilité : comment passer d’un succès d’estime qui faisait dire aux gens que nous rencontrions dans nos campagnes politiques : « vous êtes sympas, c’est bien ce que vous dites mais ce n’est un rêve » à l’existence d’une force politique qui puisse vraiment peser sur le changement ? La question se pose à toute notre gauche : comment ne pas succomber au fonctionnement institutionnel ou se contenter de l’opposition symbolique ?

Comment penser la combinaison entre l’action institutionnelle et les mouvements sociaux, les mobilisations populaires et citoyennes ?

Au boulot !

Voilà le travail qui nous attend et que nous proposons à toutes et tous sans exclusive. C’est pourquoi nous essayons de promouvoir des cadres unitaires pour travailler ensemble, dépasser ensemble des contradictions que nous cherchons tous à affronter avec des regards différents.

L’appel Politis avec les assises du changement est un outil, la création de La Fédération qui permet un premier regroupement aussi. Nous devons multiplier les lieux de débats... et d’action.

C’est ce que faisons ce soir.

19 décembre 2008

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Notes :

[1] le fait qu’un élu socialiste, membre de cette commission ose s’étonner du bruit fait autour du rapport parce que la mise en taule ne concerne que peu d’enfants en dit long sur la décrépitude idéologique de ce parti !


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