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Mieux vaut un mauvais accord...

... qu’une bonne loi (proverbe CFDT)

 

Deux articles posent le problème du licenciement négocié prévu par l’accord du 21 janvier entre les « partenaires sociaux » sur ce qu’ils appellent la modernisation du marché du travail : http://www.telos-eu.com/fr/article/... http://www.rue89.com/etienne-wasmer...

Cette question de la rupture conventionnelle est centrale dans cet accord et ses effets déséquilibrés au profit du patronat.

La marchandise est pourtant présentée sous un bel emballage : il s’agit d’éviter que des employeurs ne poussent les salariés à la faute pour pouvoir les licencier ou d’éviter que les salarié démissionnaire (ou contraint à la démission sans pouvoir le prouver devant les juridictions) ou même le salarié qui souhaite changer d’emploi, ne se trouvent privés d’indemnisation chômage. En effet les syndicats gestionnaires de l’UNEDIC ont décidé que les démissions n’étaient plus indemnisées immédiatement mais au bout de 4 mois.

Les 2 articles cités ont raison de souligner l’impact réel -ou fantasmé- du licenciement négocié sur le système d’indemnisation du chômage.

Je crois que ce "nouvel avantage" offert aux salariés qui y auront accès suscitera des contreparties en termes de réduction de l’indemnisation de tous les chômeurs puisqu’il est hors de question d’augmenter les cotisations à l’UNEDIC.

Ce « licenciement de complaisance » viendra renforcer l’idée du chômeur de complaisance (qu’il cultive des artichauts ou ne fasse rien, l’auteur de l’article privilégie l’idée d’un choix de vie de la part du salarié qui devient un profiteur du système d’indemnisation).

Il est probable qu’il y aura un effet sur les finances de l’UNEDIC mais on voit déjà évoquer le surcoût lié au «  chômage choisi » ( ou de la démission cachée) dans les 2 articles cités. Dès lors ceci sera perçu comme un avantage pour les salariés et imposera dans la négociation sur l’assurance chômage à venir des concessions de la part des organisations syndicales de salariés pour contrebalancer cette « avancée » : une plus grande rigueur dans la gestion des chômeurs, une réduction de l’indemnisation s’imposent...

Dans la réalité, qui pourra négocier vraiment son licenciement ?

Celui qui a les moyens de négociation de part son statut dans l’entreprise, son statut professionnel ou autres éléments...qui lui donne un rapport de force favorable.

Mais les autres, et en particulier ces travailleurs du bas de l’échelle considérés comme interchangeables, perdent leur protection et vont se retrouver étiquetés « chômeurs volontaires » soumis à une pression accrue pour se réinsérer.

En fait cette disposition de la séparation à l’amiable rétabli le mythe de l’égalité des contractants dans le contrat de travail.

C’est, au profit d’une toute petite minorité de salariés, la suppression de toutes les avancées juridiques et philosophiques sur la nature particulière du contrat de travail, qui ont permis de fonder le droit du travail.

C’est mettre fin à la loi de 1973 qui avait instauré la notion de cause réelle et sérieuse pour un licenciement mêm si cette obligation est rappelée dans un autre article de l’accord.

Désormais le chantage sera possible : "soit tu acceptes un licenciement négocié soit je te vire sans rien".

La violence sociale et symbolique du licenciement sera moins spectaculaire mais ne sera sans doute pas réduite pour les salariés victimes à qui on demandera de cautionner leur exclusion.

C’est aussi l’occasion de réduire le recours au juridictions qui permettent de contester la légalité d’un licenciement et ainsi de "réhabiliter" le salarié qui ressent son licenciement comme une disqualification.

Aucun économisme ne se penche d’ailleurs sur l’impact de cette disqualification sur la réinsertion des salariés depuis que l’on considère de manière générale que le chômeur est pour une part grandissante responsable de son chômage.

Les syndicats signataires ont depuis longtemps abandonné toute représentation des chômeurs, ils ont même participé à la mise en place de réglementations répressives vis à vis d’eux.

On s’aperçoit là qu’ils n’ont pas non plus vocation à représenter les intérêts des salariés ordinaires, de ce gens qui constituent le gros des licenciement et du travail précaire.

S’ils réduisent ainsi le droit du travail négocié (devant se substituer au droit édicté par le législateur) aux seuls intérêts immédiats des couches les plus privilégiées du salariat, il y a de quoi s’inquiéter de la démocratie sociale dans ce pays. Et ce qui se profile sur la représentativité et le financement syndical n’est pas pour rassurer.

24 janvier 2008


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