Lors des rencontres d’automne de Convergence citoyenne pour une
alternative de gauche (CCAG), qui se déroulent, jusqu’à dimanche, à
l’espace Crèvecoeur, à Aubervilliers, 200 militants associatifs,
syndicaux, altermondialistes et politiques, venus de la France entière,
issus des réseaux « citoyens » plus ou moins informels créés
à l’occasion des échéances électorales (comme Alternative citoyenne en
Île-de-France, Alternative en Midi-Pyrénées, l’Association pour de
nouvelles perspectives à gauche en Basse-Normandie, etc.), tentent
ensemble, tous ensemble, à tâtons mais avec conviction, de répondre à
une question cruciale : « Qu’est-ce qu’une alternative réelle
à la société et à la politique actuelle ? » Pour l’heure, ces
rencontres valent plus pour l’espace de convergence qu’elles ouvrent et
les débats de fond qu’elles brassent que pour les perspectives
immédiates qu’elles ne peuvent, bien sûr, qu’ébaucher. Ainsi, dans la
foulée des militants qui ont décidé de « franchir le pas » et
de ne plus faire l’impasse sur le moment électoral, presque tous les
représentants de la mouvance altermondialiste présents, en dehors de
Miguel Benassayag et Jean-Baptiste Eyraud (DAL), fustigent les effets
de la division des tâches entre mouvement
social et politique, et une conception figée de l’auto-nomie.
« Nous avons marqué des points, mais pas imposé nos idées, constate Pierre Khalfa (Groupe des 10 solidaires
et ATTAC). Dans un pays comme la France, à la
différence des autres pays en Europe, la situation est marquée par
l’indépendance du mouvement social par rapport aux partis politiques.
Et cette affaire est aujourd’hui fondamentale : le mouvement
altermondialiste est porteur de valeurs communes, mais ces valeurs
n’ont de sens que si nous parvenons à les décliner en propositions
concrètes immédiatement applicables afin de mobiliser la société. Quand
on discute de l’alternative, on doit voir les échéances. Nous devons
être capables, dans les forces politiques de transformation sociale,
dans le mouvement syndical, dans le mouvement altermondialiste, de nous
confronter pour voir si on peut avancer ensemble des points de rupture
de type programmatique dans la perspective des élections en
2007. » Pour Gus Massiah (CRID et ATTAC), « le principal,
aujourd’hui, dans une période historique où la question de
l’alternative se trouve posée, c’est de mener le débat stratégique qui
permette de lier la résistance, les pratiques avec les perspectives et
la construction du projet ». De son côté, Patrick Braouezec,
député et maire de Saint-Denis, encourage à « faire converger tout
ce qu’on peut représenter dans la construction d’un projet
alternatif » et à « considérer les moments électoraux comme
des révélateurs ponctuels de la capacité des mouvements à se faire
entendre ».
De manière révélatrice, les militants rassemblés par
CCAG à Aubervilliers expriment des attentes fortes vis-à-vis des partis
politiques. « Le drame de la dispersion à gauche existe depuis des
décennies et les pratiques cannibales sont loin d’être terminées, lance
François Labroille, élu régional d’Alternative citoyenne en
Île-de-France. Il y a des désaccords, des traditions différentes, mais
si on ne se lie pas, il n’y aura pas de rassemblement majoritaire.
Est-ce que les partis sont prêts à faire prévaloir l’intérêt commun sur
leur identité ? » Pour Marie-Claude Herboux (ANPAG),
« on se retrouve peut-être sur des valeurs communes, mais
lorsqu’il s’agit de mener des batailles électorales, là on est de
nouveau divisés ». Porte-parole des Verts, dont la position
présumée majoritairement favorable à la constitution risque de
constituer un point de rupture avec CCAG, Anne Souyris oppose, dans son
intervention, la « ligne directrice » de son parti -
« Nous partons de la réalité pour vraiment la changer » -à la
recherche de valeurs communes. Léonce Aguirre (LCR) appelle, lui, à
« sortir de l’atomisation », à « abandonner les
références aux débats du passé », à « discuter du type de
société que l’on veut construire ». Pour Élisabeth Gauthier (PCF),
« il faut refonder la politique sur de nouvelles bases, sortir des
formes d’instrumentalisation et élaborer sur une base d’égalité. Le PCF
essaie d’aller dans ce sens : la question des alliances ne peut
pas être première, ce sont les contenus élaborés de manière
décentralisée, dans les quartiers, dans les entreprises, qui doivent
primer ».
Thomas Lemahieu