Pendant
quatre jours à Aubervilliers, des centaines de militants associatifs,
altermondialistes, syndicaux et politiques ont entamé un parcours
commun pour une alternative de gauche.
Un cadre, un processus et un mouvement. Au terme des rencontres
d’automne organisées, de jeudi à dimanche, à Aubervilliers, Convergence
citoyenne pour une alternative de gauche (CCAG) a globalement réussi
son pari, en rassemblant, sur le modèle des forums sociaux, mais avec
une volonté de prendre à bras-le-corps explicitement les échéances
politiques, pour la première fois au - niveau national, les réseaux, de
moins en moins informels, de « l’alternative citoyenne »
(Île-de-France, Midi-- Pyrénées, Basse-Normandie, Bretagne,
Rhône-Alpes, PACA, etc.), en invitant à la confrontation et à la
construction les partis politiques (Verts, Alternatifs, Mars, LCR et
PCF) et quelques-unes des figures de l’altermondialisme en France (lire
l’Humanité hebdo du 13 novembre). Près de 300 personnes, venues de tous
les horizons de la gauche politique, syndicale et associative, ont
participé à ces rencontres destinées à rendre visible l’embryon de
convergence à l’oeuvre et à ébaucher des pistes dans l’élaboration de
lpolitique. « Cela fait plaisir de voir l’extrême diversité des
gens, des parcours que nous arrivons à réunir, se félicite Bénédicte
Goussault, ex-PSU, élue citoyenne à Vanves (Hauts-de-Seine) et
militante d’Alternative citoyenne en Île-de-France. À un moment où
beaucoup de monde, dans les partis et dans les mouvements, a envie de
débattre pour éventuellement faire des choses ensemble, on remplit
modestement cette fonction de permettre l’échange. » Selon Roger
Dubien (Réseaux citoyens de Saint-Étienne), « on sent bien que les
représentants des associations, des mouvements sociaux ne viennent pas
comme s’ils se rendaient à une des consultations préélectorales d’une
formation politique, mais plutôt comme partie prenante du processus que
nous voulons engager ». Ex-candidat PS à la mairie de Toulouse et
aujourd’hui pilier de l’alternative en Midi-Pyrénées, François Simon
synthétise en trois points la base qui rassemble tous les participants
aux rencontres de CCAG : « Nous sommes tous d’accord sur la
nécessité d’un décloisonnement entre le politique et le social, sur le
besoin de trouver une traduction politique et sur l’exigence de
construction d’une gauche d’alternative. »
Bien entendu, derrière les considérations générales, la
plupart des questions vives sur les contenus politiques de
l’alternative ne sont, pour l’heure, pas tranchées. « À la
différence des forums sociaux, nous ne nous rassemblons pas que pour
nous écouter et débattre, mais surtout pour chercher le moyen de faire
de la politique, constate Étienne Adam (ex-gauche CFDT, élu municipal
ANPAG à Caen). Je ne suis pas persuadé que le fait de chercher à
représenter les mouvements sociaux, de picorer des éléments de
programme chez eux puisse suffire... Il y a là une forme de
néo-travaillisme à laquelle il serait dangereux de céder. On doit
assumer la politique, nous interroger sur le moyen d’en faire
autrement. » Pour Pierre Zarka (PCF et Alternative citoyenne en
Île-de-France), « on avance, mais pour le moment, on en reste au
stade de l’empilage, de la mosaïque, et notre problème, désormais, ce
devrait être de construire du commun, du projet : on ne doit plus
laisser au capital le - monopole global de la construction, du
façonnage de la société ».
À l’égard de l’élaboration de contenus antilibéraux,
voire anticapitalistes, à caractère programmatique, la campagne pour le
« non » à la constitution et pour une autre Europe offre une
occasion que les militants rassemblés par CCAG entendent saisir.
« Tous ceux qui estiment que l’on pourrait sauter l’échéance du
référendum sur la constitution pour se concentrer sur 2007 se
trompent », affirme par exemple Éric - Coquerel (Mars). « En
cas de victoire du "oui", le combat antilibéral serait beaucoup plus
difficile et nous devons porter à l’intérieur du "non", globalement,
concrètement et dans le détail, la dynamique de l’alternative »,
renchérit Roger Martelli (PCF). Pour Claude Debons (Fondation
Copernic), « après les défaites sur les retraites, l’assurance
maladie et EDF-GDF, nous n’avons pas d’autres échéances qui nous
permettraient à la fois de porter un coup d’arrêt à l’avancée du
libéralisme et de faire émerger l’alternative ». Mais la campagne
pour le « non » qui doit, dans l’esprit de tous, se mener sur
le terrain pourrait aussi servir à tenter de lancer des forums
décentralisés de l’alternative dans lesquelles s’inscriraient, comme un
« maillon parmi d’autres », selon l’expression consacrée lors
de ces rencontres d’automne, de l’activité de CCAG, les échéances
électorales de 2007-2008 : « On fait tous partie des
microcosmes militants, fait observer Michel Desmars, élu Motivé-e-s à
Toulouse. Nous devons maintenant créer des lieux, des espaces réels où
tous ceux qui ne font pas partie de nos microcosmes puissent venir
s’exprimer, participer aux prises de décision, à l’élaboration de notre
projet, et pas juste écouter nos explications. C’est essentiel si l’on
veut construire une alternative efficacement. »
Thomas Lemahieu